Les politiques de taxation sont, ainsi que nous l’avons expliqué, destinées à mieux faire prendre en compte leurs coûts aux agents privés. En l’absence d’évaluation monétaire des coûts de la pollution, la référence à l’efficacité économique et à l’optimum demeure en effet un idéal théorique. Le modèle théorique de détermination de l’objectif de pollution ou de dépollution, qui fournit donc des éclairages et des éléments de réflexion sur les différentes variables capables de l’influencer (taxes, normes, droits), suppose donc que l’on connaisse donc assez précisément les fonctions de coût de la pollution et/ou de dommage ; autrement dit, cela suppose donc que, conformément à la rationalité économique, la production de qualité d’environnement ne soit justifiée que si les avantages engendrés (ou les dommages évités) soient supérieurs aux coûts (de dépollution) supportés pour l’obtenir : c’est le calcul « coût-avantage » ou « coût-bénéfice », par lequel sont comparés les coûts d’une opération, ou d’un projet (en l’occurrence des mesures de protection de l’environnement), et les avantages correspondants (ici, les dommages évités) en une unité monétaire commune.
Réduire la pollution en-deçà de p0 impliquerait que le coût des mesures antipollution excède le coût des dommages (c’est-à-dire les avantages, ou bénéfices, procurés par ces mesures) ; au point p2 les dommages sont supérieurs aux coûts, de sorte que la collectivité perd les avantages qui seraient obtenus par un passage de p0 à à un niveau inférieur. Le minimum satisfaisant, qui nous permet donc ici de déterminer l’optimum de pollution pour la collectivité, se trouve au point minimum de la courbe de coût total (CE + CD).
Dans le cadre des investissements réalisés par l’État, l’évaluation des coûts externes permet par conséquent de compléter le bilan socioéconomique des avantages et des inconvénients qui est traditionnellement mené pour juger de l’intérêt d’un projet public. Quelles seront les émissions des trafics que supportera une nouvelle infrastructure, comment évaluer le coût qu’elles représenteront dans 10, 15 ou 30 ans et comment en faire un bilan économique pour juger aujourd’hui de l’intérêt du projet ? II devient tout à la fois nécessaire d’estimer les émissions et leurs évolutions, les coûts qu’elles signifient et la manière de comparer des valeurs établies pour des dates différentes.
Dans le cas français, le rapport « Boiteux 2 » [1] propose ainsi différentes valeurs pour évaluer un projet d’infrastructure, les avantages procurés par les circulations qu’il permettra et les nuisances que celles-ci généreront. Par exemple, il retient un coût moyen lié aux émissions de polluants atmosphériques de 2,9€ pour 100 km parcourus en milieu urbain dense par une automobile, pour 1€ en périphérie et 0,1€ en interurbain (respectivement 28,2, 9,9 et 0,6 pour un poids lourd). Ces coûts et avantages générés à des périodes différentes sont ramenés à une date unique grâce à la technique de l’actualisation, avec un taux de 8% par an, corrigé ensuite pour prendre en compte les effets pour les générations futures, ainsi que le problème des ressources non renouvelables.