Limites de l’approche en termes de dépenses de protection

La simplicité de l’approche en termes de dépenses de protection se fait toutefois au prix d’un manque d’exactitude :

1. la dépense de protection n’est pas le seul comportement possible ; on peut choisir de déménager (ce qui nous ramène finalement plutôt à une méthode des prix hédonistes) ;

2. d’autre part, l’isolation individuelle ne fournit qu’une protection limitée aux espaces intérieurs des logements et ne concerne pas les nuisances subies à l’extérieur (au bureau, à l’école…) ;

3. cette méthode ne peut s’appliquer qu’aux cas où existent des possibilités de protection individuelle (le bruit étant un des meilleurs cas) ; la protection contre d’autres formes de pollution et de détérioration de l’environnement semble moins évidente, parfois impossible (comment se protéger de la pollution atmosphérique ?) ;

4. les dépenses mesurées devraient être exclusivement destinées à obtenir le bien ou service que l’on veut évaluer. Or, par exemple, les mesures d’isolation phonique (survitrage, double vitrage, double fenêtre ...) ont également un impact important en matière d’isolation thermique. Il devient alors très vite difficile de faire la part des choses et de déterminer le poids des différents facteurs jouant sur les dépenses consenties.

Par définition, ce type de coût ne fournit pas une indication du coût des dommages, mais donne le prix à payer pour les éviter – ou tout au moins les ramener à un niveau juge socialement acceptable. Cet indicateur est bien évidement indispensable puisqu’il permet de se rendre compte de l’intérêt des mesures envisagées : en croisant « coût des dommages » et « coût d’évitement », on aura une idée des bénéfices socioéconomiques que l’on peut escompter ; et si le coût d’évitement apparaît plus élevé que celui des dommages, on cherchera une autre solution, suivant en cela les préceptes de l’analyse coûts-bénéfices ... Par contre, assimiler ces deux types de coûts, comme cela a beaucoup été fait, faute de mieux, dans le cas du bruit au début des années 90 n’a guère de sens, sauf à supposer que l’on soit en situation d’équilibre avec une égalisation à la marge entre le coût de l’effort supplémentaire pour réduire encore la nuisance et le gain de surplus retiré collectivement de cette ultime réduction.

Cependant, outre le fait que l’on puisse s’interroger sur la capacité de notre société à gérer ainsi les coûts non marchands, cette hypothèse est alors contradictoire avec l’idée d’un dommage qu’il serait nécessaire d’évaluer avant de le limiter.

Ainsi, cette méthode a peu été utilisée pour évaluer les impacts de la pollution de l’air. Manière (1999) en retient quatre pour sa méta-analyse des coûts de la pollution atmosphérique, essentiellement basées sur l’estimation des dépenses de prévention pour éviter de tomber malade [1]

Aujourd’hui, les coûts d’évitement ne sont plus guère confondus de manière aussi simplificatrice avec les coûts externes. Il nous semblait cependant important d’évoquer ce type de coûts, ne serait-ce que pour rappeler leurs différences, et surtout pour souligner leur complémentarité avec les coûts externes que nous tentons d’évaluer ici.

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Notes

[1Citées par Maniere (1999) :

-  Cropper, 1981, « Measuring the benefits from reduced morbidity », American economic review, Vol. 71 (2) : 235-240.

-  Dickie M., Gerking S., 1991, “Willingness to pay for ozone control : Inferences from the demand for medical care”, Journal of environmental economics and management, Vol. 21 : 1-16.

-  Gerking S., Stanley L.R., 1986, “An economic analysis of air pollution and health : the case of St Louis”, Review of economics and statistics, Vol. LXVIII(1) : 115-121.

-  Shechter M., 1991, “A comparative study of environmental amenity valuations”, Environmental and resource economics, Vol. 1 : 129-155.

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