D’importantes études épidémiologiques menées aux Etats-Unis dans les années 70-80, notamment celle de Freeman [1], se sont efforcées d’établir une corrélation entre l’exposition à divers taux de pollution atmosphérique et la morbidité/mortalité. On sait en effet que les oxydes de soufre (SOx), les oxydes d’azote (NOx) et les particules notamment, sont des facteurs aggravant de cancers des voies respiratoires, de l’asthme, des bronchites chroniques et des emphysèmes pulmonaires.
On essaie ainsi de calculer des coefficients d’élasticité établissant la relation entre un pourcentage de variation AM de la mortalité et AP de la pollution, soit un coefficient ε = AM% / AP%. Ce coefficient ε permet ainsi de calculer le pourcentage de variation de la mortalité ou morbidité dû à une variation de 1% de la pollution. Par exemple, avec un coefficient ε de 0,05, une baisse de la pollution de 20% entraînera une baisse de la mortalité ou morbidité de 1%.
Sur la base de tels coefficients, on peut calculer le bénéfice B de la lutte contre la pollution, égal à εpRV, où :
B correspond au bénéfice mesuré en monnaie
ε correspond à l’élasticité de mortalité ou morbidité
p correspond à la variation de la pollution (en pourcentage)
R correspond à la population exposée (nombre de personnes)
V correspond à la valeur monétaire de la vie ou de la maladie.
Sans parler des difficultés de calcul de la fonction non monétaire (calcul de ε), le passage au monétaire exige l’évaluation de V. Pour la morbidité, on calculera notamment les pertes de revenu entraînées par la maladie et les frais médicaux ; pour la mortalité, le « coût de la vie humaine » (par exemple, estimé par les pertes de revenu par rapport à une espérance de vie « standard » – la mesure en termes de « capital humain » – ou par référence aux primes de risque payées aux professions dangereuses).
Freeman a alors procédé à une évaluation des bénéfices de la politique de lutte contre la pollution atmosphérique aux États-Unis. Devant la grande variation des élasticités ε (de 0,01 à 0,10 selon les études), il retient une valeur médiane de 0,05 qu’il applique aussi bien à la morbidité qu’à la mortalité ; il estimait alors la valeur de la vie humaine à un million de dollars. Sur ces bases, les bénéfices de la lutte contre la pollution atmosphérique aux États-Unis pour l’année 1978 se situaient entre 0,15 et 0,8% du PIB, soit 20 à 90 dollars par habitant. Freeman retenait ainsi une valeur de 0,7% du PIB.