Gêne, évaluation sociale et sources de bruit

A la lumière de ce qui précède, différents auteurs ont tenté d’apporter des explications à la gêne différentielle exprimée en fonction de la source de bruit, telle qu’exprimée par les courbes exposition – réponse issues des méta-analyses. Le principe général de bonus (pour le ferroviaire) et de malus (pour les avions), inscrit dans les réglementations internationales, n’a pourtant pas toujours été confirmé sur le terrain. Ainsi, une analyse plus fine des événements bruyants a montré que l’effet sur le sommeil du bruit ferroviaire peut être considérable pour les longs trains de marchandises. Néanmoins, comme discuté par plusieurs auteurs, le trafic ferroviaire a une image sociale de transport fiable et sans danger contrôlé par une institution publique. Le trafic routier est plutôt perçu comme dangereux et sous contrôle individuel. Enfin, le trafic aérien est ressenti comme étant dangereux et contrôlé par des institution guidées par la recherche du profit. Les réactions au bruit de ces trois modes de transports, à niveau sonore égal, sont différentes : la gêne produite par le bruit du trafic aérien est supérieure à celle du trafic routier, elle-même plus importante que celle due au trafic ferroviaire.

Cependant, notons qu’une récente étude expérimentale (sujets exposés en laboratoire), remet en cause la notion de bonus/malus selon le type de source, mais les auteurs restent prudents dans leurs interprétations et le résultat qu’il faut avant tout retenir concerne la dissociation entre les réponses physiologiques (perturbation du sommeil) et l’évaluation qu’en font les sujets à leur réveil.
De la même manière, le bruit produit par une source socialement considérée mauvaise pour la santé provoquera une gêne plus importante, alors que la proximité d’un aéroport synonyme pour ses riverains de prospérité économique pourrait être perçue comme moins gênante. Le sentiment que les autorités responsables de la source du bruit agissent afin de réduire les nuisances sonores et que cette source et ses nuisances sont sous le contrôle de cette autorité atténue la gêne ressentie (l’inverse est source de conflits). Les riverains de zones fortement exposées au bruit craignent bien souvent que le niveau de bruit ne cesse de croître sans qu’ils aient de moyen de stopper ou limiter cette progression. Cette crainte a un effet sur la gêne et incite les riverains à se plaindre.

La peur occupe une place à part. Son importance a été confirmée suite à des événements accidentels, comme celui de la catastrophe d’Amsterdam de 1992. Trois mois avant l’accident, un questionnaire de santé avait été envoyé à la population vivant à proximité de l’aéroport. Ce même questionnaire a été renvoyé un an après. Le taux de retour du second questionnaire était nettement plus important que pour le premier (75% versus 59%). Aucune différence significative n’a été observée entre les deux questionnaires sur l’état de santé perçue (physique et psychologique). Mais un an après le crash, le niveau de nuisance du bruit aérien avait nettement augmenté, pour devenir la principale cause de gêne. De la même manière, le nombre d’habitants se déclarant gênés par les odeurs et les poussières des avions avait doublé. Les nuisances rapportées par rapport au bruit, odeur et poussières liées au trafic routier avaient aussi augmenté mais dans une moindre mesure. En d’autres termes, un an après le crash, il n’a pas été noté d’effet sur la santé, mais une grosse baisse de la tolérance des nuisances aériennes a été observée.

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