De la gêne à la sensibilité

Très tôt dans la recherche d’impacts sanitaires attribuables au bruit il a été reconnu qu’à cause de la nature même du bruit il fallait se positionner sur le terrain psychoacoustique plutôt que physique. Le constat de la grande dispersion des réactions à une exposition donnée, totalement inexpliquée dans les premières enquêtes de terrain, a conduit les chercheurs a s’intéresser à ce qui pouvait représenter la « susceptibilité » au bruit. Le concept de gêne a été investigué dans les années 60 dans deux grandes enquêtes autour de l’aéroport de Heathrow, aboutissant à la conclusion que des facteurs personnels avaient un impact supérieur au niveau sonore. Il a été posé que la gêne comprend outre une sensibilité individuelle une prise de conscience sociale du bruit (processus d’appréciation sur le bruit et ses sources).

Avant de considérer la sensibilité comme un des déterminants individuels de la gêne, il nous faut distinguer deux concepts concurrents qui apparaissent dans la littérature sur la gêne liée au bruit.

  1. Une sensibilité à exprimer la gêne, ce qui implique que ceux qui se déclarent gênés à un niveau de bruit sont plus sensibles par rapport à ceux que l’on qualifierait « d’imperturbables », pourtant exposés au même niveau de bruit.
  2. Une sensibilité générale au bruit, indépendante de la source.

Dans le second cas la sensibilité s’exprimerait pour toute une variété de bruits. Nous voyons émerger une distinction entre la sensibilité générale au bruit, qui influence la gêne exprimée et les autres facteurs qui sous-tendent les attitudes vis-à-vis d’un type de bruit donné (contribuant à l’expression de la gêne). Il est évident que le type de question(s) posées aux sujets afin d’évaluer leur sensibilité doit être considéré en gardant à l’esprit ces deux définitions. En tout état de cause, la sensibilité doit être considérée comme une variable intermédiaire (médiatrice) entre l’exposition physique et la gêne exprimée. Dans les différentes études (expérimentales ou de terrain), une corrélation plutôt faible mais significative est observée entre sensibilité et gêne. Les deux concepts sont-ils vraiment distincts ? Le consensus qui émerge progressivement tend à poser la sensibilité comme une prédisposition à percevoir les bruits, alors que la gêne relèverait plus d’attitudes qui conduisent le sujet à évaluer négativement les bruits perçus. Le fait que la sensibilité contribue à expliquer une part de la variance de la gêne, en plus de celle due au niveau de bruit, semble confirmer cette thèse. Job en 1988 a noté que le niveau de bruit n’explique pas la corrélation entre sensibilité et gêne, dans la mesure où la sensibilité n’est pas corrélée positivement au niveau de bruit. Dans une revue ultérieure, il revient abondamment sur la relation entre sensibilité et gêne (il utilise plutôt le terme réaction générale face au bruit). Il insiste sur le fait que la gêne (associée à des conditions de stress) pourrait être considérée comme facteur causal d’autres effets sanitaires (voir aussi plus haut). Il note également l’intérêt de l’étude de la sensibilité dans sa relation complexe avec la santé mentale, indépendamment de l’exposition physique au bruit (relation développée ci-dessous).

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