Pouvoir central absolu : des empires et royaumes aux Etats-Nations

Sous Louis XIV, le gouvernement du Roi était assuré par des conseillers qui n’étaient pas tous des nobles de naissance, ces derniers pouvant s’avérer des concurrents potentiels. Ils commandaient les appareils dont il a été question précédemment. Ce qui se met en place progressivement est un certain détachement de cette administration vis-à-vis du pouvoir royal et de nouvelles institutions viendront appuyer cette séparation, auxquelles les rois seront confrontés [1]. Nous pouvons attribuer, au moins en partie, cette évolution aux besoins de l’économie, en pleine reconfiguration. En somme, il fallait que les institutions assurent une certaine permanence des appareils, par delà l’incarnation du pouvoir par des rois successifs, pour garantir l’essor économique, qui n’était plus aux mains des seuls nobles. La nouvelle économie n’était plus basée sur la seule production agricole et sa prospérité nécessitait des règles (et donc des institutions) stables. Si nous comparons cette situation à celle qui prévalait au début de la période, pendant laquelle possession de la force militaire et propriété des moyens productifs étaient confondues, nous pouvons entrevoir les profonds changements de la figuration sociale qui est en train de s’installer. Les fonctions politiques et économiques se séparent progressivement et les appareils acquièrent une certaine permanence.
Dès la fin du XVIIème siècle, des penseurs politiques imagineront des régimes de gouvernement nouveaux, de nouvelles règles de fonctionnement politique, qui se retourneront, en priorité, contre le joug de l’Eglise, seule source des normes et de la morale jusque là (d’où l’appellation de libéralisme attribuée à ce mouvement). De nouvelles institutions, verront le jour. Elles représenteront la montée du pouvoir civil et la constitution d’Etats, fondés sur une conscience désormais nationale, d’où le nom d’Etats-Nations [2]. Ceux-ci héritent des appareils et garderont le monopole légitime de la contrainte, de la violence et de la fiscalité, mais dans des conditions nouvelles, de par le développement technologique et l’accès à de l’énergie bon marché. La 1ère révolution industrielle pourra connaitre son essor.
Pour s’apercevoir de la place de la monopolisation et de la centralisation du pouvoir dans la constitution des Etats-Nations, nous pouvons comparer les cas de la France et de l’Angleterre, où les pouvoirs royaux centraux s’installent dès la fin du XVème siècle, à celui de l’Allemagne. Sur les terres germaniques, malgré de vastes empires (Prussien, Austro-hongrois) s’étendant sur l’Europe de l’Est [3], il n’y a pas eu de centralisation politique stable, avant la fin du XIXème siècle. Les conséquences sont toujours perceptibles aujourd’hui, tant par l’organisation politique fédérale, que par l’absence de centre urbain dominant. Il n’y a pas, sur ces terres, un Paris ou un Londres, siège incontesté du pouvoir politique. Aucune ville allemande [4] ne peut prétendre au statut de capitale unique, même si Berlin a accueilli, finalement, les institutions politiques fédérales après la réunification. Une trajectoire différente a été suivie par la Chine, qui a connu, sur son immense territoire, une unification politique très précoce, l’équivalent de leur Moyen-Age [5] ayant pris fin au IIIème siècle AC, sous la conduite de la dynastie Tchin.

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Notes

[1Les villes vont acquérir le statut de commune dès le XIème siècle et la fonction de maire apparaitra le siècle suivant

[2Attention à ne pas associer l’abolition de la royauté avec la constitution des Etats-Nations ; bien des pays européens sont restés des monarchies républicaines et pas que le Royaume uni

[3Une de leurs particularité est moins bien connue : les empereurs de Prusse étaient élus par des princes électeurs !

[4Elles avaient acquis un statut d’autonomie très tôt

[5Il porte le nom de période des royaumes combattants

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