Des conclusions, nécessairement partielles et provisoires

Dans les pages consacrées au premier thème, le fil conducteur était fourni par la dynamique des chaines d’interdépendances, allongement / complexification ou fragmentation et ses conséquences. Ceci a été lié au pouvoir, en termes de chances sociales et la compétition pour le monopole. Mais, nous avons vu aussi d’autres (co)évolutions, suivant aussi des trajectoires, qui contribuent à façonner le système et à le transformer. Certains aspects appartiennent au champ social, d’autres se passent dans la tête des personnes (nous parlons bien de mentalités), tout en restant le reflet de chaque expérience sociale, située dans le temps et l’espace. Tous évoluent en interaction, aucun ne pouvant être mis au second plan. Je ne sais plus qui remarquait que les enfants ressemblent plus à leur époque qu’à leurs parents [1], soulignant la place de la transformation progressive des mentalités, la relation avec l’autre et la manière de s’inscrire dans le monde social, sous l’influence de l’éducation et de l’expérience vécue. Cependant, si vous cherchez une notion unique qui traverse les cours, c’est bien celle des rétroactions et de la nécessaire régulation, si violemment rejetée par l’idéologie néolibérale. Y a-t-il compatibilité entre la satisfaction des besoins des pauvres, pourvu que le désir des riches d’apporter des améliorations « publiques », dont ils profitent à titre privé, n’en soit pas affecté ?
Il m’était impossible de rentrer dans les détails de chaque fil, mon intention étant de révéler à quel point des manifestions, à un moment donné, s’avèrent disposer d’un long passé évolutif, plein d’enseignements pour comprendre les tendances ultérieures jusqu’aux révolutions. Je n’ai pas parlé des Lumières, dont le projet était de produire une élévation morale par les connaissances, mais qui, associé à une certaine découverte du corps, au fil du XVIIIème siècle, a rendu possible l’infusion de nouvelles conceptions de l’hygiène (ce n’est qu’un exemple). Je n’ai pas parlé non plus, de la montée de l’individualisme, ce que Durkheim rapproche d’un culte ou d’une réligion [2], qui a grandement influencé le cours de l’histoire récente. Ainsi, quand je me réfère au processus de socialisation du pouvoir, ceci peut être compris comme le faisant émaner d’une humanité collective, comme une conscience de l’espèce, mais tenant compte de la grande diversité culturelle et non reposant sur des volontés des individus. En somme, il s’agissait de susciter de votre part, d’autres manières de réfléchir et d’apprendre à retrouver des causes profondes, parfois lointaines dans le temps, au travers de quelques exemples.
Un avertissement est nécessaire. Je me suis focalisé sur certaines périodes, pour en découvrir le fil et les forces en présence. Mes choix sont un peu arbitraires et peuvent masquer la complexité du déroulement, avec des particularités, culturelles, temporelles et spatiales. Pendant que le Moyen âge s’installe dans la partie occidentale de l’Europe, couverte précédemment par l’empire romain, des empires germaniques subsistent et un nouvel empire s’en sépare, dans la partie orientale, débordant sur l’Asie. Il prendra le nom d’Empire Romain d’Orient [3] et connaitra une histoire plus que millénaire, jusqu’à sa défaite définitive, face aux Turcs, au milieu du XVème siècle.
Plutôt que d’insister sur les singularités des multiples trajectoires, j’ai voulu dégager quelques régularités, des forces qui opèrent sur le système, des tensions qui conduisent à son réarrangement, dont il serait utile d’examiner l’importance encore aujourd’hui. Je me permettrais un second avertissement. Mon insistance sur la tendance à la monopolisation des chances sociales, peut donner l’impression que je souscrit au seul modèle compétitif (qui lui aussi a une histoire), une lutte « à mort » de tous contre tous, comme unique poussée évolutive. Il en est rien, car, comme c’est aussi le cas dans les écosystèmes, des forces de mutualisation vont aussi susciter des coopérations diverses, au sein du corps social [4]. Ainsi, partout dans le monde, des groupes humains, de tout temps, se sont ligués pour exploiter des ressources, démentant les sombres prédictions de la « Tragédie des communs » de Gareth Harding. Les travaux d’Elinor Orstrom en fournissent de multiples exemples. Vous allez surement les aborder dans d’autres cours.

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Notes

[1Ceci devrait être moins le cas dans des périodes plus lointaines et dépend du rythme du changement

[2L’individu fera l’objet d’une sacralisation

[3On parle aussi d’empire byzantin, auquel on doit l’élaboration d’une doctrine chrétienne de gouvernement ; il a aussi eu un rôle de bouclier protecteur de l’Occident, vis-à-vis des forces conquérantes venues de l’Orient, Sarrasins puis Turcs

[4On retrouve ici la puissance de la métaphore dans la notion de solidarité organique, mais aussi d’autres facettes de la socialisation à laquelle je me suis référé à répétition

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