Nous avons essayé de présenter une scène qui rend visibles les tensions au sein du coprs social, telles qu’elles ont évolué autour de la problématique des pesticides depuis environ 30 ans. J’ai insisté sur son cadrage mouvant, des promesses de productivité accrue, de la superficialité dans la prise en compte des conséquences des expositions, de la non anticipation des enjeux écologiques (contamination des milieux), mais aussi la dégradation des sols, la minimisation des impacts sur la santé. Pourtant les pratiques sociales et les modes de vie en dépendent. Une loi adoptée dans les suite du Grenelle de l’environnement, commencera par limiter drastiquement la vente libre des produits. Les collectivités auront jusqu’en janvier 2018 pour arrêter tout usage de pesticides dans les espaces sous sa gestion.
Il faudrait comprendre la controverse comme une cristallisation de revendications évolutives, une lutte pour l’influence, dans l’espace public. Nous pouvons ainsi l’intégrer dans le processus de transformation sociale. Peut-être que l’approche relationnelle trouve ici sa pertinence et son potentiel, les relations n’étant pas juste des interactions neutres, mais des rapports de pouvoir, qui exacerbent les controverses.
On pourrait voir dans le développement de notre controverse, une contestation de la Science. Il n’en est rien. Ce qui est épinglé correspond à la manière dont les comités d’experts font leur marché dans la littérature scientifique, potentiellement sous l’influence de l’industrie. D’ailleurs, des scientifiques reconnus, s’engagent du côté de la société civile, y amenant leurs contestations (internes) sur la signification des résultats scientifiques, dont certains ont pu être négligés, générant des suspicions sur la manière de faire et les conflits d’intérêts qui se cacheraient derrière les expertises. Comme répété à plusieurs reprises, ceci permet la reformulation du débat, en tant que problématique sociétale et non technoscientifique.
L’évocation dans les arguments du principe de précaution (un principe politique et non scientifique), introduit dans le règlement en vigueur dans l’UE, cherche à remettre en cause l’évaluation des risques normée (règles de bonnes pratiques), en dénonçant le possible côté déloyal de l’expertise, sous le poids de l’industrie, qui disposerait d’un pouvoir d’influence, jugé démesuré. Néanmoins, l’expertise revue à l’aune de la précaution, reste une affaire de société et non seulement de science, tout en restant sous la domination du lobby agrochimique.