Pourquoi parler de controverses dans un parcours qui se veut scientifique ? Serait-elle après tout banale ou hors-sujet ? A contrario, ne fait-elle pas partie de la vie humaine ? Dit autrement, les controverses, en tant que sujet de débat émergeant au sein de la société, s’avèrent être moteur du changement et font qu’il y a histoire. Nous avons tendance à souscrire à une certaine compréhension de la Science, comme suprême instance de la vérité, ce qui semble un héritage, plutôt d’ordre théologique. Si la science progresse continuellement, c’est bien parce qu’il y a controverses, entre scientifiques.
Il ne s’agit pas de faire un cours de philosophie sur la science, mais bien de saisir en quoi nous sommes concernés par les controverses au sein de la société et dans quelles circonstances particulières. De ce fait, nous nous intéressons à l’histoire des connaissances autour d’un sujet, mais aussi aux questions que l’on se pose à propos de ces sujets. Mais ceci nécessite de se doter d’un vocabulaire, des termes et des concepts, pour pouvoir décrire et essayer de comprendre certains phénomènes, y compris sociaux. Nous ne saurions nous contenter de proposer les bonnes pratiques, dans notre cas en gestion des risques, comme vérité d’évangile, d’autant plus que nous verrons dans la suite qu’elles soulèvent régulièrement des contestations.
Nous nous situons dans le domaine du risque. Comment naissent des controverses dans ce cas ? Est-ce sur son existence que l’on s’affronte, sur son expression ou sur les responsabilités de ceux qui ont la charge de le gérer ? Bien entendu, il faut apprendre à saisir la part de construction sociale qui entre dans l’idée même de risque, que nous cherchons à ne plus réduire à des entités naturelles. L’élaboration d’une substance chimique, potentiellement toxique, représente le choix d’un acteur industriel privé, mais relève réglementairement d’une évaluation des risques, avant sa mise sur le marché. Mais qui décide si cette substance, pouvant générer des expositions toxiques, est si indispensable à la société pour que l’on puisse justifier la prise de risques ; des sacrifices de certains au profit d’autres, au nom du progrès ? Dans certains cas, on peut étendre un discours positiviste autour d’une science pour éclairer la décision : « nous savons évaluer le risque, selon des procédures établies, ce qui permet de proposer des conditions d’utilisation en toute sécurité ». Est-ce une réponse suffisante, satisfaisante, eu égard aux interrogations de la société ? Que nous révèle l’examen du passé récent en matière de « gestion » des risques, devant la destruction des milieux, l’atteinte des écosystèmes, jusqu’au dérèglement climatique ?
Vous avez ici les prémisses de possibles controverses, il nous restera à préciser le cadre de leur expression et les forces qu’elles mobilisent. Ce qui nous intéressera plus précisément n’est pas seulement qui est engagé, mais comment poser le problème en termes de relations, éventuellement, de pouvoir, en reconnaissant une pluralité légitime de points de vue.