historique de l’introduction du concept de « développement durable » et son implication dans les théories du développement centrées sur la croissance économique : de la conférence de Stockholm (1972) au rapport Brundtland (1987)

Le concept du développement durable est le résultat de plusieurs rapports internationaux. Il est issu d’un processus de négociation qui s’est déroulé en plusieurs étapes.

Vers la fin des années cinquante jusqu’au début des années soixante-dix, cette première période est donc caractérisée par la prise de conscience qu’une exploitation au rythme actuel des ressources naturelles comme le pétrole et l’uranium conduit à leur épuisement. A terme, leur contribution à la croissance économique est compromise. En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement qui s’est réunie à Stockholm a réfléchi sur le lien entre environnement et développement et a insisté sur l’importance que la protection de l’environnement a pour le développement économique du tiers-monde. L’environnement représente un facteur important pour l’évolution du bien-être. Elle s’interroge sur les perturbations de l’équilibre écologique de la biosphère dues à la pollution. En outre, l’amélioration du sort des pays du tiers-monde détenant certaines de ces ressources se trouve affectée car ces pays ne peuvent indéfiniment compter sur les revenus y relatifs pour se développer. Cette conférence a donc influencé d’une manière décisive la suite des travaux poursuivis au sein de l’ONU dont la Commission mondiale sur l’environnement et le développement a été chargée d’approfondir les thèmes abordés à Stockholm. Les premiers avertissements concernant la pollution ont ainsi cédé la place à une prise de conscience que la croissance économique exponentielle ne peut durer indéfiniment. Les deux crises du pétrole (1973 et 1979) y ont de surcroît contribué d’une manière décisive.

Durant une deuxième période d’approfondissement allant du milieu des années soixante-dix jusqu’à la publication du rapport Brundtland en 1987, une publication des instances de l’ONU, appelé rapport Hammarskjöld (1975), insistait sur l’éventualité d’un risque planétaire qui consistait à dépasser une certaine limite. Au-delà la biosphère serait surchargée, rompant ainsi les équilibres naturels. Cette « capacité de charge » devient ensuite une des caractéristiques majeures du développement durable. Compte tenu de l’hypothèse de ressources limitées, il faut donc « commencer, avec rigueur, par dire qui consomme les ressources et à quoi elles sont utilisées (...). La pression sur les ressources, qui est réelle et complexe, n’a donc pas grand-chose à voir avec la pression démographique en soi. Tout au plus suggère-t-elle que le style de consommation des pays industrialisés serait insoutenable si quatre ou dix milliards d’êtres humains l’adoptaient, mais c’est un argument pour changer le style de consommation des pays industrialisés, plutôt que pour conseiller aux pauvres de réduire leur natalité » [1]. Cette citation capte l’essentiel de la controverse qui s’engage autour de la notion de la soutenabilité : le mode de vie, l’industrialisation dans les pays occidentaux et l’explosion démographique dans les pays en voie de développement sont identifiés comme les causes principales de la dégradation de l’environnement et sont même ici clairement mises en opposition. Cette opposition entre deux sources principales possibles d’une éventuelle surcharge, a donné lieu en 1982 à un rapport correctif de l’OCDE insistant sur le problème de la croissance démographique. Un autre rapport de la Commission Indépendante sur les Problèmes de Développement International intitulé « Nord-Sud : un programme de survie » rappelle le risque planétaire qui ne peut être endigué que par une stratégie qui reconnaît explicitement le lien direct entre les questions de développement et celles qui sont liées a la protection de l’environnement à l’échelle mondiale. Cette stratégie inclut les inégalités sociales entre pays développés et pays en voie en développement dans la politique de protection de l’environnement.

Enfin, l’idée d’ écodéveloppement qui trouve son origine dans les délibérations de la Conférence de Tokyo de l’UNESCO en 1970, a également influencé le concept de développement durable. Cette idée a émergé dans la discussion sur le rôle des sciences sociales et leur apport dans l’analyse du lien entre la société et l’environnement. Les travaux d’Ignacy Sachs ont marqué les réflexions menées dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le Développement, sur le lien entre le développement et l’environnement [2]. Le diagnostic de Sachs part d’un constat d’une « crise de développement ». Cette crise a plusieurs origines, mais le fait que la croissance économique ne soit pas synonyme de développement rend nécessaire un renforcement de la coopération internationale. Quels organes de coordination internationale peuvent efficacement organiser à la fois les mesures pour la protection de l’environnement et pour le développement du tiers-monde ? La Commission mondiale sur l’environnement et le développement fournit une réponse dans son rapport de 1987. Le concept de développement durable devient ainsi la référence incontournable dans tout débat alliant la protection de l’environnement à l’économie et au social.

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Notes

[1Beaud M., 1989, « Risques planétaires, Environnement et Développement », Economie et Humanisme, N° 308, p.12.

[2Sachs I., Weber J., 1994, « Environnement, Developpement, Marche : pour une économie anthropologique », Entretien avec Ignacy Sachs par J. Weber, Revue Nature, Sciences, Société, Vol. 2, n° 3.

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