principe pollueur payeur et la question de la prise en charge du coût de la pollution

L’internalisation des effets externes dus à la pollution a mis en évidence le Principe Pollueur Payeur (PPP), où la gratuité des ressources naturelles utilisées par un agent qui les pollue est abandonnée, en le forçant à prendre en compte les coûts liés à leur utilisation (et de leur détérioration). Mais si le terme « internalisation » veut dire « prise en compte », il ne signifie donc pas « prise en charge » : en effet, le pollueur, s’il est, comme on a pu le voir, un producteur, peut fort bien, sans déroger alors au PPP, et selon la configuration du marché et des élasticités-prix  [1] :

- soit partager cette charge avec le consommateur ;

- soit entièrement répercuter dans ses prix de vente du bien produit et à l’origine de la pollution le coût des mesures de lutte contre la pollution, sans les assumer véritablement (ce qui réduirait d’autant ses profits), surtout du moment où des relations entre PPP et responsabilité juridique ne sont pas formellement établies.

Cette répercussion dans les prix résulte alors du jeu normal du marché, qui s’adapte en conséquence, à partir du signal-prix apporté par l’internalisation des coûts externes.

Les agents, s’ils sont à la fois consommateurs du bien en question, et victimes de la pollution (« pollués »), vont donc le payer plus cher – sans compter qu’il sera, en outre, devenu plus rare – tout en étant toujours victimes de la pollution qu’une telle production engendre. Le pollueur, lui, verra son profit décroître, et mais ne supportera pas le coût de la taxe, celle-ci étant répercutée dans le prix de vente du bien. Indirectement, ainsi, c’est le consommateur-pollué qui en supporte la charge à travers l’augmentation du prix (et la baisse, en corolaire, des quantités disponibles). Il « paye » en quelque sorte sa responsabilité informelle de « donneur d’ordre », le pollueur produisant à sa place le bien ! De plus, comme le prix augmente, un effet d’exclusion s’observe : d’une part, les producteurs les moins efficaces et, d’autre part, les consommateurs les moins solvables se trouvent exclus du marché.

Dans ce cas, on peut évidemment se demander dans quelle mesure une redistribution de la recette fiscale par l’État parviendrait-elle éventuellement à atténuer cet effet d’exclusion ?

4 Messages de forum

  • L’auto-questionnement à la fin me semble tellement pertinent. Toutefois, la question qui m’est venue avant à l’esprit est la suivante : dans la pratique, les taxes versées par le pollueur à la puissance publique sont-elle mises à part pour des actions réelles de dépollution ou autres actions concrètes visant à protéger l’environnement ?

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    • C’est ce qu’on appelle "le double dividende" : la somme récupérée par les pouvoirs publics est réinvestie en faveur de la lutte contre la pollution. Ce type de redistribution n’avait pas été envisagé par Pigou, mais de multiples travaux ont, selon les auteurs, montré, au mieux, que les effets étaient positifs, au pire, neutres ; dans ce dernier cas, les coûts de transaction (administration également) étant positifs, le double dividende n’existerait pas. Dans les modèles présentés ici, inspirés de Pigou, cela n’a pas d’incidence sur le résultat (mais peut-être sur la base exogène de la pollution).

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  • Suite à votre éclaircissement sur la question de Blacide,
    je me demande si les actions de dépollution qu’effectuent les pouvoirs publics sont aussi valable en temps de pollution normale (pollution pendant la production) qu’en temps de pollution anormale (accident par exemple) ?

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    • Attention, ces modèles partent du principe que la pollution est effective et constatée (et c’est pour cela qu’il faut agir). Bien entendu, si elle n’"existait" pas auparavant, qu’on ne s’en soit pas préoccupé ou qu’on en ait pas saisi l’importance sur la santé par exemple, ou qu’on ait tout simplement pas été auparavant capables de la percevoir (c’est-à-dire de la constater, donc de la mesurer), ces modèles ne sont pas pertinents, puisqu’ils ne traitent pas d’une pollution "inexistante", ou "invisible" ou sans objet pour la société, mais d’une pollution "réelle". L’accident est, dans ce cas, imprévisible (même si cela est bien subjectif, cf. Tchernobyl ou Fukushima !), et rentre dans cette catégorie, ces modèles ne cherchant pas à prévoir ce qui ne doit - ou ne peut - pas arriver (ce n’est pas leur rôle) !

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Notes

[1l’élasticité de la demande mesure ce que l’on nomme, également, la sensibilité de la demande d’un bien d’un consommateur à son prix. Elle s’exprime, en général, sous la forme d’un pourcentage, de façon à faciliter la comparaison des différents biens : plus précisément, l’élasticité de la demande mesure la variation en pourcentage de la demande d’un bien qui résulte d’une variation d’un pourcentage donné de son prix.

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