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Sujet : La diffusion des médicaments dans l’environnement pose des problèmes considérables !

R�pondu le samedi 14 juillet 2012 par Gasteuil Muriel

La diffusion de médicaments dans l’environnement apparait comme une situation de plus en plus préoccupante notamment parce que :
- de récentes avancés dans les méthodes d’analyse ont permis de mettre en évidence la présence de trace de médicaments ou de leurs dérivés dans tous les milieux et sur tous les continents. Leur présence est avérée dans les eaux de surface, les eaux souterraines et résiduaires, les boues des stations d’épuration et même dans l’eau potable. En effet, certains passent même entre les mailles des stations d’épuration qui ne parviennent pas à éliminer totalement leurs résidus et on peut déceler des traces dans l’eau du robinet. Une étude conduite dans le cadre du PNSE I a démontré la présence d’une vingtaine de substances médicamenteuses dans les eaux potables sur 141 sites en France. Ceci dit, les doses retrouvées étant extrêmement faibles, le risque de toxicité aiguë est nul mais l’inconnue demeure sur l’impact à long terme d’une exposition chronique à de faibles doses.
- les produits pharmaceutiques sont consommés en très grande quantité et ils sont continuellement excrétés (métabolisés ou non) dans le réseau d’assainissement. Rappelons que la France est le premier consommateur de médicaments de l’Union Européenne et qu’elle se situe au troisième rang mondial. En ce qui concerne l’usage vétérinaire, la France est au premier rang en Europe et deuxième dans le monde derrière les États-Unis mais devant le Brésil et la Chine.
- les médicaments sont des molécules par nature très actives biologiquement, qui sont conçues pour être actives à faible dose et une fois dans l’environnement, elles peuvent affecter, non seulement les organismes aquatiques, mais également la population. Les médicaments sont, en effet, des substances biologiquement actives qui se caractérisent par une grande diversité de structure chimique. À l’heure actuelle, plus de 4.000 molécules actives sont utilisées dans la formulation de médicaments à destination humaine ou vétérinaire
Les résidus de médicaments, lorsqu’ils ne sont pas totalement dégradés dans l’organisme, sont excrétés dans les selles et les urines sous leur forme initiale ou sous la forme d’un ou plusieurs métabolites.

- les substances pharmaceutiques sont des molécules utilisées dans le but d’induire un effet favorable à la santé dans l’organisme animal ou humain. Leur importante utilisation est à l’origine d’une contamination généralisée des milieux aquatiques par un grand nombre de molécules. Ces résidus médicamenteux peuvent être considérés comme des « polluants persistants » du fait d’un rejet continu et incontrôlable dans l’environnement. Les sources principales de médicaments dans l’environnement sont dues aux rejets naturels (excréments et urines) d’origine humaine et animale, suite à la consommation de médicaments, mais également au traitement des rejets domestiques et hospitalier dans les stations d’épurations. Les sites les plus pollués sont les effluents hospitalier. En effet, les rejets par les établissements de soin sont particulièrement préoccupants car ils contiennent des anticancéreux et des produits radioactifs, des molécules toxiques peu dégradées et persistantes dans l’environnement.

 Avec le développement des soins de chimiothérapie à domicile, l’enjeu des anticancéreux est très important. Ce sont des molécules très agressives puisqu’elles présentent généralement des propriétés carcinogènes, mutagènes et gènotoxiques (notons en effet l’existence de cancer chimio induit chez l’homme). Outre les cytotoxiques, de nombreuses études ont également révélé la présence (certes en faible quantité) d’hormones naturelles et de synthèse, d’antibiotiques, d’antiparasitaires, d’anticholestérolémiants, anticonvulsivants…

 Les effets des estrogènes naturels et synthétiques peuvent se traduire par des modifications physiologiques de la reproduction des animaux en milieu aquatique. Certaines études ont révélé des cas de féminisation de certains poissons exposés à des hormones de synthèse féminines provenant de la pilule contraceptive.

 Les résidus de certains ATB ont une toxicité à très faible dose sur les algues vertes et bleues. De plus, il n’est pas exclu que les antibiotiques aient un impact sur la prolifération de bactéries résistantes. En effet, les antibiotiques sont un sujet de préoccupation car ils sont présents dans tous les compartiments aquatiques et ils s’accumulent dans les sédiments. L’exposition permanente de l’environnement à ces résidus peut favoriser le développement de souches bactériennes résistantes qui sont susceptibles ensuite d’infecter les animaux ainsi que les hommes. C’est essentiellement pour cette raison que leur utilisation préventive en aquaculture a été interdite et actuellement on cherche à préserver les ATB à usage spécifique humain.

Ces résidus médicamenteux sont donc très dangereux pour la faune et la flore qui y sont exposées en permanence.

- le risque réel pour l’homme et l’environnement demeure difficile à caractériser. La difficulté réside dans le fait que les produits pharmaceutiques sont présents dans l’environnement en mélange avec d’autres contaminants chimiques. L’état des connaissances actuelles ne permet pas d’estimer le risque cumulé dû au « cocktail » de contaminants chimiques. Citons ici le cas des substances perturbatrices du système endocrinien (les contraceptifs oraux) qui, nous l’avons vu, peuvent altérer la reproduction et le développement de certains poissons mais qui n’auraient pas d’impact direct chez l’homme. Cependant, on ne connait pas à ce jour les effets possibles d’une exposition combinée avec d’autres perturbateurs endocriniens (tels que le bisphénol A, les phtalates, les PCB, les pesticides).
De même, de nombreuses substances médicamenteuses sont métabolisées et se dégradent dans l’environnement. Or, l’impact potentiel des produits de transformation n’est pas suffisamment connu.

- une méconnaissance de l’impact environnemental des médicaments. En effet, le système de régulation des médicaments ne permet pas la connaissance de leur impact sur l’environnement. Cette carence rend difficile l’édiction de mesures de prévention.
La mise en circulation d’un médicament dépend d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) au niveau de l’Union Européenne. L’autorisation vise à démontrer l’efficacité et la sureté du produit, principalement l’absence d’effets néfastes pour le patient. AMM exclut la prise en compte du risque pour l’environnement pour les médicaments humains alors qu’il le prend en compte pour les thérapeutiques vétérinaires. L’obligation d’évaluation environnementale ne touche que les médicaments nouveaux soit environ 5% des médicaments actuels.
Cette régulation déficiente est extrêmement préoccupante : en effet, la première étape dans l’évaluation n’est pas une évaluation de la dangerosité de la molécule mais consiste à calculer la concentration prévisionnelle dans l’environnement. Il s’agit d’un simple calcul théorique sans aucun essai. Si elle est inférieure à un certain seuil, l’évaluation conclut automatiquement à l’absence de risque et il n’y a pas d’autres études. En revanche, si elle est supérieure, on doit alors procéder à l’évaluation de la concentration prévisionnelle sans effet pour l’environnement prenant en compte le devenir de la molécule et des essais d’écotoxicité.
De plus, la molécule est toujours considérée isolément, indépendamment de tout mélange dans l’environnement.

Donc une meilleure connaissance de l’impact environnemental des médicaments nécessite tout d’abord :

 un système d’évaluation du risque qui permette réellement de connaître les effets sur l’environnement,

 une obligation de rattrapage pour les médicaments déjà existants (ce qui concerne 95% des médicaments utilisés pour lesquels aucune obligation en matière de connaissance environnementale n’est prévue,

 une intégration dans le rapport bénéfice/risque à la base de l’AMM, du risque pour l’environnement (principe déjà adopté pour les médicaments à usage vétérinaire).

En conclusion, les médicaments ont pour but de soigner, mais force est de constater qu’une meilleure connaissance de leur impact sur l’environnement s’impose aujourd’hui de façon urgente. Ceci afin de protéger l’homme mais également dans le but de conserver les bénéfices des thérapeutiques actuelles notamment en ce qui concerne nos ATB.


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