Une controverse n’est pas n’importe quel conflit. Elle met face-à-face deux positions opposées, exprimées par des personnes ou leurs représentants, au sein d’une « arène » qu’ils se disputent. Les thèses défendues mobilisent des savoirs, vis-à-vis desquels il faut garder une distance, afin de comprendre de quel point de vue ils s’expriment, comment ils sont construits et quelles justifications leur sont associés. Dans le champ (social) qui nous intéresse, elle pourra s’exprimer dans les réseaux sociaux et les médias et prendre, parfois, la forme de procédure juridique.
Ce cours, ne cherche ni de dire la norme, ni d’évaluer les positions conflictuelles. Il pourrait vous paraitre comme décousu, malgré mes tentatives d’articulation entre les pages. Comme des coups de pinceau successifs, ils finiront par révéler une image ; un processus apparaitra, la controverse. Elle implique des forces (sociales), qui rentrent en relation de tension avec d’autres, soutenues par des arguments scientifiques, juridiques, politiques... Vous remarquerez qu’une catégorie d’acteurs, les journalistes, ne sont pas traités dans la suite. Il ne faut pas y voir un manque. Ce qui nous intéresse est le rapport au savoir, en même temps que les justifications respectives, en recherchant les lignes de clivage produites et non l’exacerbation en polémiques, ou les positionnements politiques qui appartiendraient à une autre lecture. Je reconnais que mon entreprise est ardue, nécessitant rigueur et grande prudence. Elle exige aussi du lecteur d’identifier et de combler les inévitables lacunes, de soulever des incompréhensions ou désaccords et les exprimer. Les réponses aux questions soulevées vous appartiennent et ne sauront donner lieu à des jugements d’autorité.
Il est tout à fait courant que la santé soit un enjeu central, les OGM ou les perturbateurs endocriniens en sont des illustrations. Notre cas d’étude emprunte à l’actualité récente autour des pesticides, enjeu tant de santé que d’environnement. Notamment celle autour de la cancérogénicité du glyphosate, ou encore sur la délimitation de possibles zones de non-traitement, autour des habitations, écoles, établissements de santé, enfin la contamination des sources d’eau potable et les conflits locaux suscités, entre citoyens-consommateurs et pouvoirs publics. Elle formera le thème de la semaine de TD en janvier.
J’attire votre attention sur une spécificité de ce cours, prolongé par les TD. Ce ne sera pas l’occasion d’acquérir des savoirs neutres, de manière détachée, ni de simples blocs qui s’ajoutent aux autres. Au contraire, il faut s’engager, selon votre sensibilité, en tout cas pour jouer le jeu, afin d’en explorer les ressorts, comme expérience. C’est ainsi que nous aboutissons à la question de la diplomatie nécessaire à toute tentative de résolution des conflits sans, par facilité, se réfugier derrière une « vérité » scientifique intouchable.
Décrire et comprendre les controverses ne peut être un exercice totalement neutre, distancié. Il nous faudra néanmoins faire l’effort, en abandonnant la posture de l’observateur depuis l’extérieur, pour saisir le positionnement des acteurs au sein d’une arène, sociale et politique, au sens premier du terme, scène de leurs affrontements.
Loin de représenter des anomalies, les controverses font partie de la vie sociale et ne portent pas sur des compétitions pour s’accaparer des ressources, mais, le plus souvent, relèvent de tensions autour de valeurs, de manières d’être (forcément diverses) qui réclament reconnaissance et respect de leur dignité, même si, en apparence, les débats souvent s’articulent autour des expertises dites scientifiques. Pourquoi alors d’autres scientifiques reconnus prennent le parti de la société civile contre l’avis institutionnel ? Que penser de la prétention à l’universalité ?
En conséquence, elles appellent ce qui s’apparente à un examen de conscience pour reconnaitre une légitimité à des points de vue pluriels, que l’on ne peut simplement balayer comme irrationnels, dont l’origine serait l’ignorance. La Science peut-elle contribuer à la définition de ce qui est juste ? Il n’y aurait pas seulement des « faits » qui seraient en cause. La responsabilité sociétale de la Science serait en jeu.