La méthode du capital humain est sans doute la première à avoir été proposée pour évaluer la valeur d’une vie humaine puisqu’on en trouve trace dès le XIXe siècle [1]. En France, elle est utilisée officiellement à partir de 1970 pour prendre en compte les efforts de sécurité dans l’évaluation des projets routiers. La valeur du capital humain qui est utilisée est complétée par d’autres composantes pour obtenir un « prix de la vie humaine » [2] permettant de disposer de la somme que la puissance publique est prête à dépenser pour éviter un risque de décès supplémentaire :
les coûts marchands indirects d’abord, qui correspondent essentiellement aux pertes de production liées aux décès et blessures, c’est-a-dire le capital humain tel qu’il a été défini (s’y rajoutent aussi les pertes liées aux emprisonnements qui peuvent s’ensuivre) ;
les coûts marchands directs, liés aux coûts matériels des accidents, aux coûts médicaux et sociaux ainsi qu’aux frais généraux (de police, d’expertises, etc.) ;
les coûts non marchands, enfin, correspondants aux préjudices subis par la victime et ses proches, estimés à partir de la jurisprudence des compagnies d’assurance.
Mais si l’évaluation monétaire de la morbidité rencontre un certain consensus, l’évaluation d’un tel « prix de la vie » est naturellement sujette à controverse, pour des raisons éthiques notamment (« la vie n’a pas de prix »). Mais, même lorsque le principe de la valorisation de la vie humaine est accepté, la variabilité des valeurs obtenues conduit à s’interroger sur la significativité des dommages ainsi estimés. L’acceptabilité sociale de perdre une vie humaine varie beaucoup non seulement suivant que ce risque mortel est choisi ou subi (tabagisme ou accident d’avion). En outre, le flou et le caractère trop partiel de cette valeur de la vie humaine sont d’autant plus dommageables qu’elle joue fortement sur les résultats. La valeur accordée à la vie humaine joue souvent un rôle prépondérant, trop lourd relativement à d’autres effets sanitaires : mortalité et morbidité sont souvent les seuls facteurs évalués, en général du point de vue de l’État (nombre de jours de production perdus, dépenses hospitalières induites…), les notions de gène et de souffrance étant absentes et les effets chroniques (allergies, asthmes…) rarement inclus dans les calculs traditionnels.