On a vu qu’il existe deux manières, que l’on pourrait croire symétriques, de mesurer le surplus du consommateur :
soit évaluer le CAP pour obtenir un avantage
soit évaluer le CAR pour renoncer à un avantage (sous compensation).
Dans certains cas, les individus peuvent effectivement être plutôt interrogés sur leur CAR (ou sur la compensation) pour demeurer indifférents à la modification négative de leur bien-être que sur leur CAP pour maintenir leur bien-être en l’état. L’expérience a montré que, pour un même bien, les valeurs obtenues peuvent être 4 à 10 fois supérieures aux valeurs obtenues à l’aide du CAP. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces divergences.
Par exemple et pour un bien ordinaire comme un permis de chasse, le CAP est perçu comme une transaction courante sans fermeture du choix, alors que le CAR est perçu comme une perte de jouissance. On retrouve ici les conclusions de la théorie des perspectives (Kahneman et Tversky, 1979 [1]) selon lesquelles les individus attribuent une valeur subjective aux gains et aux pertes, et ont tendance à surévaluer la perte par rapport au gain. Cette première divergence provient de ce phénomène, appelé également par les psychologues « dissonance agnitive », et qui fait donc qu’en réalité on valorise plus une perte (ou un risque de perte) qu’un gain ; ainsi, on répugne plus à perdre ce qui nous appartient « de droit » que l’on désire bénéficier d’un gain. Par conséquent, on peut penser que le CAR sera supérieur au CAP, par rapport à une situation initiale.
Les expériences de laboratoire ont permis de montrer que :
• le CAP est plus proche des valeurs de marché et moins sensible à des facteurs psychologiques ;
• lorsque les individus sont soumis a des exercices répétitifs de simulation de fonctionnement du marché, CAP et CAR convergent.
Dans la méthode des marchés hypothétiques, la façon dont sont posées les questions revêt également une importance particulière.
Les économistes mesurent généralement le CAP correspondant à une amélioration de la fourniture d’un actif naturel. Mais, dans certains cas de dégradation de la qualité de l’environnement et lorsque les individus estiment être propriétaires du bien, il est impossible d’avoir recours au CAP. Or, sachant que les valeurs obtenues à l’aide du CAR seront inutilisables dans la décision publique, les économistes ont préféré recourir à des estimations indirectes (diminution du prix du foncier, ou des habitations, examen des mesures compensatoires proposées, ...).
Pour les autres méthodes d’évaluation, il faudra déterminer avec soin si l’évaluation porte plutôt sur le CAR ou le CAP. Toutefois, on sait mal mesurer la différence réelle entre les deux valeurs.