Je reprends ici des termes et concepts proposés par Bruno Latour, que j’ai adapté à l’étude de cas qui nous servira de fil conducteur. Nous pouvons poser une question : en fonction des défis qui se posent à nos vies, vers qui tournons-nous afin d’avoir une orientation, établir une vérité (j’évite de dire la vérité) ? La thèse sous-jacente serait qu’il n’y aurait pas une seule vérité. Nous pouvons le comprendre en donnant des exemples, la vérité scientifique, religieuse, politique ou juridique, peuvent-elles être mises sur le même plan ? Dit autrement, peut-on opposer l’une d’entre elles à l’autre ?
Afin de comprendre la portée de la question, nous pourrions introduire l’idée de domaine de validité, comme nous le faisons au sein des sciences, ce qui nous conduit à admettre que chacun des régimes de vérité, cités précédemment, a son propre domaine de validité. La question est devenue particulièrement complexe, avec des interfaces qui parfois nient la spécificité de chaque régime. Ainsi, l’expertise scientifique est convoquée au tribunal, comme elle est appelée à conseiller le politique, mais in fine qui tranche ? Ainsi, le verdict juridique repose largement sur l’intime conviction du juge, comme on attendrait du politique d’engager dans sa décision les valeurs qui l’animent, sur lesquelles la Science n’a aucune prise. Peut-on définir scientifiquement la justice ou la liberté ?
Comment mettre un peu de clarté ? Si les régimes et leurs domaines sont distincts, la religion a sa place, différente de celle de la science, les deux ne pouvant en aucun cas se rencontrer ou s’opposer. Seulement, notre expérience de l’actualité au quotidien, nous montre que des oppositions aux conclusions de la science (une contestation) se prononcent au nom de convictions. Il existe donc des zones de frictions, au contact des régimes de vérités, un brouillage des limites respectives, dont il s’agit ici de faire le constat et non la justification.
Enfin, notons que si l’incompréhension ou des erreurs de catégories, comme le dit Latour, peuvent être à l’origine des contestations, le travail aux interfaces n’est pas celui d’une traduction, mais nécessite un vrai travail diplomatique pour la résolution des conflits. Nous sommes très loin d’une sensibilisation et le problème ne peut être posé uniquement en termes de savoirs, que certains détiendraient plus que d’autres, en quête de légitimité.