Dans la page précédente, nous avons évoqué la Science comme (un des) régimes de vérité ; une instance légitime qui émet des vérités, plus ou moins assurées [1]. Abordons maintenant, la science non plus par sa position (institutionnelle), mais comme discours, soit comment la Science parle de vérité ou comment elle la formule et elle l’établit. C’est ce discours qui, repris par des acteurs sociaux, produit des effets/tensions dans le domaine des activités humaines.
Pour le comprendre il faut changer de lunettes et ne plus considérer la Science comme tribunal ultime de la vérité, mais un des discours qui prétend à la vérité. D’ailleurs, elle ne répond pas à n’importe quelle question (Dieu existe-t-il, qu’est-ce que l’âme ?). L’énorme difficulté (conceptuelle) provient de l’oubli que la Science s’est construite à l’origine sur des bases théologiques [2], pour se distinguer, dans la suite, par son caractère refusant tout dogmatisme, Elle ne peut prétendre à des vérités éternelles, comme la religion, mais à des conclusions toujours incomplètes et provisoires, qui maintiennent le processus d’enquête ouvert, sans fin saisissable par avance. Ce serait comme si nous pouvions postuler l’éventualité d’une fin de l’histoire.
Alors, si la Science n’est pas l’instance d’arbitrage de toute vérité, sommes-nous condamnés au doute permanent ? Oui et non, car le doute, sous forme d’un scepticisme organisé ou bienveillant est le seul moyen pour conserver l’ouverture du processus d’enquête scientifique. Il fait partie de l’apprentissage permanent du monde des phénomènes. D’un autre côté, la Science offre la possibilité de vérification et de falsification de ses propositions, je dirais par construction. Un argument massif en sa faveur. Du coup, cette incomplétude, à tout moment, signifie que nous ne pourront jamais être débarrassé d’une part de croyances ou de convictions pour agir. Elles viennent combler les incertitudes, sans oublier la place des valeurs, déjà abordées et qui continueront à nous préoccuper dans la suite.
En réduisant la Science à un discours exprimé dans le champs social, une autre question se pose. A-t-elle des responsabilités uniquement vis-à-vis d’elle-même, ce qui signifierait que seuls les scientifiques sont impliqués dans son jugement, ou a-t-elle des comptes à rendre à la société ? De la prétention à la vérité supérieure, nous passons à sa responsabilité sociale, ce qui l’expose du coup à la critique sociale [3]. Il ne s’agit pas de se contenter d’une vérité scientifique, indiscutable, mais de débattre de sa pertinence, sa légitimité et sa crédibilité. La pertinence, souvent locale, nous éloigne de l’idée d’universalité ; la légitimité dépend d’un cadre légal accepté et la crédibilité repose aussi sur les conditions de confiance vis-à-vis de la source émettrice, qui ne sont pas garanties en elles-mêmes. Elles se jouent au quotidien.