La loi : de sa naissance à sa postérité

Nous nous apprêtons à mettre en scène notre controverse, mais avant, il nous faut aussi dresser le portrait d’un des « protagonistes », la loi. Elle a une histoire mouvementée, depuis la formation de l’idée dans l’antiquité grecque. Nous allons éviter de la définir en tant qu’essence (une définition immuable si vous voulez), pour décrire son cycle de vie habituel, en nous focalisant sur le présent. Vous jugerez peut-être qu’il s’agit d’évidences, mais quelques rappels nous aideront pour la suite. La loi exprime d’abord une volonté politique contextualisée (dans l’espace et dans le temps), face à des problématiques sans cesse renouvelées [1]. Les enjeux auxquels fait face la société, à un moment donné, poussent l’exécutif à proposer des textes et le parlement les adopte. Ils s’imposeront au fonctionnement social. Sa mise en application signifie qu’elle peut être invoquée pour justifier une accusation de non respect, ce qui entraine des sanctions.
Au cours de sa vie de loi, les procès et jugements successifs vont en préciser les modalités d’application et affiner sa lecture dans les jugements ; elle est productrice de jurisprudence, pouvant finir par s’écarter de la volonté politique d’origine, qui ne peut jamais complètement prévoir les conséquences de son adoption. Il y a des chances, alors, qu’il y ait proposition de réforme, dépendant des équilibres politiques.
Pour encore mieux situer l’évolution, il nous faut revenir au contexte de son adoption. Parfois, c’est un fait divers qui suffit, dans d’autres cas il y a constat d’évolution des connaissances nécessitant une révision. Enfin, notons que la sensibilité sociale évolue aussi : ce qui est acceptable à un moment de l’histoire, devient l’objet d’oppositions, de revendications ou, encore, renforce l’expression d’une forme de demande sociale [2]. Les plaintes pourront être exacerbées, avec recours à la justice. Que fait alors le juge ? Il peut appliquer « à la lettre » ou se montrer sensible à l’évolution sociétale et rendre un jugement dans ce sens, mais portant exclusivement sur des points de droit. L’indépendance de la justice est ici en jeu, elle prend toute son importance.
Si on se dégage de l’obsession réformatrice des idéologies néolibérales (une tendance à la logorrhée législative), on admettrait que les lois « vieillissent » et ont besoin de toilettage, ce qui déclenche un nouveau cycle. Nous essayerons de le voir au travers du cas de la gestion des autorisations de mise sur le marché (AMM) des pesticides, un pan conséquent du droit de la sécurité sanitaire, dont il est question dans cette partie des enseignements. Évidemment, il y a des textes législatifs, mais aussi des décrets d’application et toutes sortes d’instruments qui peuvent venir préciser les conditions de sa mise en œuvre. Des ouvertures nouvelles pour les potentiels plaignants peuvent s’ensuivre, d’où le besoin continu d’une veille juridique pour les organisations civiques. C’est donc bien la contestation de ces AMM qui est une des expression de notre controverse. Encore faut-il apprécier les ouvertures qu’offre toute réglementation et la capacité de la société civile à s’en emparer. Il nous faudra passer par l’exemple.

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Notes

[1Nous parlons bien sûr d’un régime républicain, régit par des lois et disposant d’instances de justice autonomes, ce qui est loin d’être le cas partout dans le monde

[2Les actes de racisme ou de sexisme n’ont donné lieu à des lois les condamnant que très récemment et pas nécessairement partout

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