Amiante : l’interdiction mondiale ne va pas de soi

En 2003, plus de 2 millions de tonnes d’amiante ont été produites dans le monde, principalement par la Russie, le Kazakhstan, la Chine et le Canada (1). De nombreux pays restent demandeurs de la substance, qui combine de très bonnes propriétés d’isolation et un faible coût. "Ce matériau est une aubaine pour les pays en voie d’industrialisation comme la Chine", commente Michèle Guimon, chef de projet amiante et fibres à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). A l’heure actuelle, seuls les 25 Etats membres de l’Union européenne et une quinzaine d’autres pays ont interdit l’amiante. Un clan qui ne comprend pas les Etats-Unis -dont la loi d’interdiction a été annulée en 1991-, mais surtout le Canada et la Russie, deux pays qui continuent à exercer un lobbying intensif à l’échelle internationale.

Selon l’un des arguments présentés par le Canada, une des formes de l’amiante, le chrysotile, est moins dangereuse que les autres formes, et peut être utilisée de manière "sécuritaire". Des études en ce sens sont régulièrement publiées et discutées. Ainsi, les 23 et 24 mai, a eu lieu la conférence internationale sur le chrysotile. On peut lire sur le site internet de l’événement : "Des études sur le chrysotile américain, brésilien et canadien ont confirmé et renforcé l’étude de McDonald et McDonald (1997) concernant le fait que les amphiboles demeurent beaucoup plus longtemps dans les poumons alors que le chrysotile s’élimine en quelques jours. [...] Ce sont surtout des travailleurs exposés aux amphiboles qui ont développé des maladies et non ceux qui ont été en présence de chrysotile."

"Ce débat est surréaliste, juge Michèle Guimon. Si le chrysotile est moins virulent que les autres types d’amiante, il est quand même cancérogène. D’ailleurs, de nombreux travailleurs français meurent des suites de leur exposition à l’amiante, alors même que le chrysotile représentait 95% de la consommation à l’époque de son utilisation." L’argumentaire canadien n’a pas convaincu l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui a, en 2001, donné raison à la France et à l’Union européenne dans le contentieux qui les a opposées au Canada. Ce dernier a en effet tenté de prouver, sans succès, que l’interdiction française de 1997 était disproportionnée d’un point de vue commercial par rapport à l’objectif sanitaire souhaité. Malgré tout, l’argumentaire est écouté par les pays qui s’industrialisent, notamment les Asiatiques.

"A ce jour, le nombre de pays ayant prohibé l’amiante ne pèse pas encore assez lourd pour qu’on obtienne une interdiction mondiale immédiate, estime-t-on au cabinet de Gérard Larcher. Le discours du ministre doit avant tout permettre de poser un jalon." Et s’il doit être un moment fort pour la délégation française, d’autres problématiques aussi sensibles, voire plus, vont être abordées lors de la conférence, à l’instar de l’élimination du travail des enfants dans le monde.

(1) Source : Rapport fait au nom de la mission d’information sur les risques et les conséquences de l’exposition à l’amiante

(2) L’Argentine, l’Australie, le Chili, le Gabon, le Honduras, l’Islande, le Koweït, la Norvège, l’Arabie Saoudite, les Seychelles, la Suisse et l’Uruguay.

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P.-S.

Article publié dans le Journal de l’Environnement du 5 juin 2006

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