Un nouveau rapport de l’AFSSET plus de 10 ans après l’interdiction

Fibres longues, fines ou courtes

Les fibres dâ ??amiante sont classées selon trois catégories. Celles dites « courtes » ont une longueur inférieure à 5 micromètres (µm) pour un diamètre inférieur à 3 µm. Jusquâ ??en 2003, où une publication sâ ??intéresse à leur pathogénicité, elles ne sont pas étudiées dans le cadre des études de concentration des fibres dans lâ ??air.
Les fibres dites « longues » et celles dite « fines » ont les unes comme les autres une longueur supérieure à 5 µm. Mais alors que le diamètre des premières est compris entre 0,2 et 3 µm, celui des secondes est forcément inférieure à 0,2 µm. Toutes deux sont avérées cancérogènes.

Plus c’est long, moins c’est bon. Mais, pour autant, il ne faut pas se désintéresser des plus courtes. Ce sont, schématiquement, les conclusions de l’Afsset concernant les fibres d’amiante. Pour la première fois, l’agence a étudié le critère dimensionnel des fibres pour la caractérisation des risques sanitaires liés à l’inhalation d’amiante. Résultat : les fibres fines (et longues) ont un effet cancérogène significatif, et pour les fibres courtes, rien ne permet d’écarter un effet cancérogène, même si les données sanitaires actuelles présentent de nombreuses limites d’interprétation. Dans l’esprit du principe de précaution, il conviendrait donc de ne pas les occulter dans la réglementation.
Or, la réglementation actuelle ne tient pas du tout compte des fibres courtes, et en partie seulement des fibres fines, alors que « les fibres courtes prédominent très largement dans les lieux où les matériaux amiantés se dégradent », a expliqué Gérard Lasfarques, chef du département des expertises en santé environnement-travail à l’Afsset. C’est par exemple le cas dans certaines écoles construites dans les années 70 avec des sols en dalles amiantées qui s’usent et libèrent des fibres. Alors que les mesures ne détectent aucune fibre longue il peut y avoir jusqu’à 600 fibres courtes par litre, a analysé l’agence. Saisie en 2005 par les ministères chargés de l’écologie, du travail et de la santé, l’agence a donc étudié les risques pour la santé des fibres courtes et des fibres fines. Après trois années de travail qui ont mobilisé 17 experts, français et étrangers, l’Afsset a rendu son avis et l’a publié mardi 17 février.

Elle émet trois recommandations. Elle préconise de créer un nouveau seuil réglementaire spécifique pour les fibres courtes qui pourrait s’appliquer dans les environnements intérieurs d’établissements recevant du public. Elle suggère également de diminuer le niveau résiduel autorisé dans les bâtiments. Celui-ci, utilisé pour décider du déclenchement des travaux de désamiantage, est fixé à 5 fibres par litre et avait été calculé sur la base du bruit de fond de la pollution des années 70. Or, au début des années 1990 il avait déjà diminué d’un facteur 10, sans que la valeur réglementaire ne soit actualisée. Enfin, pour les professionnels, l’agence indique qu’il faudrait abaisser la valeur limite d’exposition (VLE) et ajouter au comptage des poussières d’amiante les fibres fines. Pour ce faire, il faut adopter la microscopie électronique qui permet non seulement d’accroître le nombre de fibres comptabilisées, mais aussi d’identifier la nature des fibres (amiante ou non). Le procédé est cependant plus cher (environ 5 fois plus) que la microscopie optique.
Le Meeddat, qui avait pris connaissance du rapport 15 jours plus tôt, a indiqué hier dans un communiqué que « la VLE en milieu professionnel sera réexaminée » et que « la mise en Å“uvre d’une méthodologie de mesure fera l’objet d’une concertation avec les parties concernées […] dans le cadre du Conseil d’orientation sur les conditions de travail ». Pareil pour l’environnement général intérieur, où « le seuil de déclenchement de travaux sera révisé, en tenant compte de la réduction du bruit de fond de pollution » ; « une concertation devrait être [également] engagée afin de traiter de la question de la dégradation des matériaux responsables de l’émission de ce type de fibres (courtes), dans les lieux où ils sont les plus sollicités […]. Cette concertation devrait permettre de fonder des mesures de gestion appropriées ».

Si ces recommandations sont suivies de mesures effectives, la France sera à l’avant-garde de la lutte contre l’amiante, et le seul pays à tenir compte des fibres courtes dans la réglementation. Car l’avis de l’Afsset sur le caractère potentiellement dangereux de ces fibres ne fait pas l’unanimité à l’étranger. L’Agence n’a en effet pas démontré la dangerosité des fibres courtes, seulement « l’impossibilité de conclure à une absence de risques », a souligné Christophe Paris, président du groupe de travail auteur de l’avis.
Pour l’Andeva (l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante), « si les décideurs décident de suivre les recommandations de l’Afsset, ce sera révolutionnaire. Au moins aussi important qu’en 1996 [date du premier programme français d’actions contre les risques sanitaires liés aux expositions à l’amiante, qui interdit l’amiante dès 1997] », a commenté Alain Bobbio, secrétaire national de l’association.
En attendant que cela bouge au niveau français, les associations anti-amiante guettent la décision de la Commission européenne qui doit examiner, les 19 et 20 février, les demandes de dérogation sur les articles contenant de l’amiante dans le cadre du règlement Reach. Si la Commission, puis le Parlement, donnent leur accord, la mise sur le marché et l’utilisation de ces articles (installés ou mis en service avant 2005) resteraient autorisées jusqu’à leur fin de vie utile. Une décision qui serait bien sûr inacceptable pour ces associations.

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P.-S.

Cet article a été publié en ligne dans le Journal de l’Environnement le 18 février 2009.

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