Mesurer les coûts de la pollution pour établir une tarification au « juste prix »

Ensuite, l’évaluation peut se situer dans une logique plus directement régulatrice. Les nuisances pourraient être réduites dans de plus justes proportions si ceux qui les émettent avaient à les prendre en compte à hauteur des coûts qu’elles représentent pour ceux qui les subissent. L’idée est alors de taxer les émissions de nuisances et de tarifer l’usage privé de biens collectifs comme l’air ou l’eau : dans la plus pure tradition pigouvienne, il s’agit d’internaliser les coûts externes.

L’évaluation de ces coûts externes est déterminante ici puisque c’est elle qui indique la hauteur des dommages commis et, surtout, le niveau de taxe qu’il faudrait appliquer sur les activités émettrices pour qu’elles prennent correctement en compte tous les coûts qu’elles génèrent et s’adaptent en conséquence (en adoptant des procédés moins polluants ou en baissant leur niveau de production). Les politiques de taxation et de tarification sont extrêmement courantes et peuvent prendre des formes très diverses. Ainsi, pour reprendre l’exemple des transports, la taxe peut s’exercer sur l’usage des véhicules (en taxant les carburants, par le biais de la TIPP en France), sur leur possession (c’est la vignette, aujourd’hui disparue) ou lors de leur acquisition (carte grise). Ces différentes mesures peuvent toutes être orientées dans une optique environnementale, comme en témoignent l’argumentaire lié aux augmentations des prix des carburants en Grande Bretagne depuis le milieu des années 90, la vignette verte danoise, assise sur la consommation kilométrique des véhicules, ou le principe des « fee bates » en Autriche ou au Canada (subvention à l’achat pour les véhicules les moins consommateurs et taxation pour les plus gourmands, taxes et subventions se compensant au niveau global). La taxe peut également chercher à se moduler en fonction du lieu et de l’heure pour mieux prendre en compte l’ampleur des nuisances selon les circonstances : c’est le cas notamment du péage urbain, la plupart du temps justifié par les problèmes de congestion (Londres ; Singapour, ou il est également plus élevé en heures de pointe).

L’évaluation économique des coûts externes est donc fondamentale dans cette approche pour justifier du niveau de la taxe.

2 Messages de forum

  • Dans ce cours, il y a deux sortes de classification des évaluations économiques : ex-ante/ex-post d’une part et logique comptable/logique régulatrice/logique coûts-bénéfices d’autre part.
    Peut on regrouper ces catégories et dire la chose suivante :
    - Analyse ex-post : logique comptable et logique régulatrice
    - Analyse ex-ante : analyse coûts-bénéfices ?

    Je crois que c’est surtout sur la logique régulatrice que je me pose la question, puisque j’ai lu dans les cours sur la théorie de Pigou que l’on cherche à internaliser des coûts externes pour des dommages connus (sous entendu qu’il ne s’agit en aucun cas d’une logique de prévention des risques, mais plutot dans une logique curative de réduction d’une pollution avérée)... mais en réalité j’ai l’impression que les outils de taxation/tarification de la pollution sont à cheval entre la logique ex-ante et ex-post ??

    Merci de m’éclairer.

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    • Non, pas tout à fait. La logique ex ante est celle qui prend en compte les bénéfices attendus d’une politique, celle ex post prend plutôt en compte les dommages réellement observés survenus suite à un événement touchant à l’environnement et/ou à la santé humaine. Une analyse coût-bénéfice peut être menée dans les deux cas, selon la situation et la demande (éviter une nuisance ou envisager une action suite à une nuisance).

      Pour ce qui est de la logique pigovienne, elle est en fait préventive ; en fait, elle vise à éviter la nuisance en contraignant l’agent qui risque de polluer, en le contraignant dans son calcul économique (en internalisant les effets externes, qui ne sont pas pris initialement en compte dans le calcul économique). Mais elle peut se baser sur les expériences du passé pour fixer la taxe, voire la norme à respecter. Elle reste, dans les deux cas, préventive et pas curative. Enfin, il ne faut pas oublier qu’on va considérer que produire, c’est polluer, et que le but est de limiter la pollution dans des limites acceptables. Le curatif, dans le cas de l’évaluation économique, est souvent utilisé pour évaluer les dommages au tribunal (Amoco Cadix par exemple).

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