La gêne liée au bruit et le sens de la causalité

Dans une première étude publiée en 2008 (Kroesen et al. 2008), les auteurs ont testé de façon empirique un modèle de la gêne basé sur le stress psychologique à partir de données recueillies en 2006 auprès des riverains de l’aéroport d’Amsterdam (Kroesen et al. 2008) Il a été mis en évidence que les principales variables de la gêne sont l’inquiétude quant aux effets du bruit (et de la pollution) sur la santé, les perturbations perçues, le sentiment de contrôle et la capacité à faire face. Une relation réciproque entre perturbations perçues et gêne d’une part et contrôle perçu et capacité à faire face et gêne d’autre part a également été démontrée. De manière plus inattendue, il a aussi trouvé que la sensibilité et la peur vis-à-vis de la source ne permettaient pas d’expliquer une variance additionnelle (elle sont exclues du modèle) et que l’effet de l’exposition est relativement faible sur la gêne.

Kroesen et al. ont ensuite essayé de traiter à la fois l’association statistique entre gêne et ses composantes et la temporalité pour inférer le sens de la causalité (Kroesen et al. 2010a). En effet, si l’on considère par exemple l’impact de l’âge sur la gêne, on peut admettre que c’est l’âge qui cause plus ou moins de gêne. Par contre, pour les variables liées à l’attitude, comme les deux sont subjectives, il est difficile de distinguer cause et effet. Ils se sont servi d’enquêtes répétées dans le temps autour de Schiphol. Pour illustrer le principe et en simplifiant à l’extrême, l’hypothèse de base consiste à mesurer l’impact d’une variable X, mesurée au temps t1 (Xt1) sur une variable Y, mesurée au temps t2 (Yt2), en tenant compte de Yt1. Si Xt1 prédit une part de la variabilité entre Yt1 et Yt2, X est bien une variable prédictive de Y. L’étude a porté sur les mêmes 12 variables psychologiques, la gêne étant la variable dépendante.

En 2008, les mêmes riverains qui avaient répondu à la première enquête deux ans auparavant ont été à nouveau interrogés : c’est l’étude de l’évolution des différentes variables entre les deux enquêtes qui devait permettre d’étudier le sens de la causalité entre les variables psychologiques et la gêne (Kroesen et al. 2010a). Kroesen lui-même qualifie ses résultats de surprenants et contraires à ses prévisions : il n’a pas mis en évidence d’effet significatif des facteurs psychosociaux sur la gêne. Deux effets en sens inverse ont été trouvés : la gêne pourrait générer des inquiétudes quant aux effets néfastes du bruit sur la santé ainsi que la conviction que le bruit peut être évité. Il conclue que la stabilité des données (peu de différences entre les enquêtes) et les fortes interrelations entre variables exogènes au temps 1 pourraient rendre le modèle peu discriminant (mise en évidence de relations statistiques significatives entre variables peu probable).
Dans une autre étude, Kroesen (Kroesen et al. 2011) a tenté de mettre en évidence, d’abord l’existence puis le sens de ce lien entre des variables psychologiques et la gêne, en les modélisant dans une construction multidimensionnelle avec deux sens possibles : de la construction vers les dimensions (modèle réflexif) ou des dimensions vers la construction (modèle formatif). Dans le premier cas il y a covariation de l’objet composite et de ses dimensions (les dimensions sont des manifestations de la construction), alors que dans le second les dimensions définissent la construction. Dans ce dernier cas il faut que toutes les dimensions soient prises en compte dans la construction. Un traitement statistique poussé a permis de valider la construction, sous la forme d’une structure du second ordre. Surtout, il a été confirmé que la gêne et ses indicateurs observés reflètent la réaction négative (modèle réflexif), sans toutefois capturer toute la variance. Les résultats confirment l’intérêt de mesurer la réaction négative dans son ensemble, plutôt que la gêne perçue seule et fourni quelques pistes pour des recherches futures, en particulier concernant d’autres dimensions (maîtrise perçue ou l’attitude vis-à-vis de la source) qui n’ont pas été testées dans ce travail. Le caractère central de certaines variables (gêne et perturbation des activités) a pu être démontré, par rapport à la peur ou l’anxiété plus éloignées du cœur du modèle.

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