Un curieux boitier, de petite taille, avec des cadrans et des roues dentées, a été découvert, en 1900, dans une épave, datée entre la fin du IIIe et la moitié du IIe siècle AC, au large de l’ile d’Anticythère, en Grèce. Après bien des péripéties et grâce à des moyens sophistiqués récents, il est considéré aujourd’hui complétement reconstitué et des copies fonctionnelles ont été produites.
Je n’insisterai ici que sur quelques points concernant sa conception et son fonctionnement. Le modèle astronomique est celui de l’époque hellénistique (antiquité tardive), avec le soleil et la lune tournant autour de la Terre, elle-même au centre de l’univers et les planètes autour du soleil. La face avant affiche, en fonction de la rotation du mécanisme, actionné (à la main) par un bouton, la position du soleil, de la lune et des 5 planètes visibles à l’œil nu. Cependant, des subtilités peu évidentes ont été révélées. Les trajectoires étaient figurées comme circulaires, mais le mouvement le long de celles-ci adopte une vitesse variable, en reproduisant l’accélération, quand chaque planète se rapproche du soleil, la décélération quand elle s’en écarte et ce, grâce à de très ingénieux couplages de pignons. Ils ne pouvaient pas savoir que les trajectoires sont en réalité elliptiques (ce que va postulé Keppler au tout début du XVIème siècle), ce qui explique les variations de vitesse, dues aux forces gravitationnelles variables. De même,
ont été reproduits les mouvements épicycliques, que devaient décrire les planètes sur la voute céleste (voir la figure ci-contre) [1]. Les sphères représentant les planètes glissent le long de l’axe porteur, en même temps que celui-ci tourne, en utilisant des guides excentriques.
Ces découvertes soulignent tant la finesse des observations astronomiques que leur capacité à les reproduire au travers d’un astucieux ensemble mécanique, un exemple de calculateur astronomique analogique, qui permettait de prévoir les positions des planètes, mais aussi et avec une bonne précision, les dates des éclipses, solaires et lunaires. On peut être surpris, devant ce modèle mixte compliqué, même s’il reste géocentré à la base. En y réfléchissant, finalement, ils ne reproduisaient, de manière la plus fidèle possible, que ce qu’ils observaient, ce qui correspondait exactement aux informations obtenues par leurs sens et leur perspective d’observateur. Il est encore possible de mesurer le bond en avant accompli par Galilée, à l’aide de sa lunette astronomique, comme moyen de dépasser les limites de nos propres sens. La Science s’attellera à reconstruire le Monde (étendu maintenant à l’univers), non plus du point de vue de l’observateur, mais d’un autre, indéfini et extérieur à celui-ci.