Saint Simon et la métaphore des réseaux

Claude-Henri de Rouvroy de Saint Simon, de naissance noble, fut un penseur original et très influant au XIXème siècle. Engagé dès 17 ans dans l’armée de libération des Etats-Unis, il va abandonner la particule et survivra à la terreur révolutionnaire, qui l’a profondément marqué. On lui doit une utopie, une vision de la société, avec comme unité sociale élémentaire la fabrique [1], mais conçue sur le modèle associatif et fonctionnant grâce à des sociétaires. Ses idées furent particulièrement influencées par les nouvelles connaissances scientifiques et sa philosophie prônera le progrès de l’humanité par les sciences.
C’est un autre aspect de sa pensée qui nous intéresse. Saint-Simon fut un lecteur assidu de Lamarck et, en particulier de son livre sur les corps, qui exposait la théorie des corps, vivants ou inertes. De manière succincte, les seconds, seraient dominés par les solides, alors que les vivants se distinguaient par la dynamique des fluides, qui l’irriguaient au travers de réseaux. Saint-Simon, par analogie, assimilera le territoire national à un corps vivant, soulignant le besoin de créer des réseaux (transport de biens et personnes [2], ou de l’électricité) qui lui permettraient de se développer. La puissante métaphore va inspirer ses disciples, les saints simoniens [3]. Les disciples, comprenant, entre autres, des banquiers et des ingénieurs, réaliseront son programme, en France comme à l’étranger ; on peut citer les frères Pereire, par exemple, qui construisirent la ligne de chemin de fer, entre Paris et Saint-Germain-en-Laye, première ligne de voyageurs, inaugurée en 1837 ou Alexis Legrand, ingénieur des Ponts et Chaussées, à qui on doit le tracé du premier réseau des chemins de fer français, présenté en 1838 et connu comme l’étoile de Legrand. Un éminent saint-simonien du nom de Prosper Enfantin, ingénieur et économiste, a eu un rôle important et assura la première présentation du projet de Canal de Suez [4], plus de vingt ans avant qu’un mandat ne soit confié à Ferdinand de Lesseps, autre disciple de Saint-Simon, pour le creuser.
Ce qu’il faut retenir n’est pas encore le rôle de Saint-Simon comme acteur de l’histoire, ni revenir à des conceptions volontaristes, accordant la primauté aux « grands » hommes. C’est la place des inspirations, des métaphores, des analogies, dans notre manière de conceptualiser [5] , comment les objets sont constitués et les mots pour les décrire.

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Notes

[1On parlera aussi de l’industrialisme de Saint-Simon, qui utilisera le premier le substantif industriel

[2La France avait pris un grand retard dans le développement des chemins de fer

[3Tous n’ont pas montré la même ferveur, mais ils se sont inscrits dans la logique du père fondateur

[4Il n’était pas le premier à en avoir eu l’idée

[5Notons qu’il y a eu des think tanks modernes qui ont repris le nom de Saint-Simon

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