Nous avons l’habitude de juger des événements passés au prisme de nos connaissances actuelles. Du coup, il nous est difficile d’intégrer le degré d’ignorance, associé au moment de déroulement des événements d’intérêt, ainsi que son influence (psychologique, voire sociale nous dirions aujourd’hui) sur leur réactions face à des événements apocalyptiques comme des pandémies. Les plaies comme des punitions envoyées par Dieu (ou d’autres dieux païens) ne se limitaient pas aux épisodes infectieux, bien que les maladies et les épidémies aient été bien définies et caractérisées par Hippocrate (5ème-4ème siècle AC). La contagion était attribuée à des exhalaisons ou vapeurs malodorantes, qui portaient le nom de miasmes, émanant de la terre souillée ou des marais [1].
Cependant, si l’agent de transmission n’était pas bien connu, in fine, il ne réalisait que la volonté de Dieu, de punir ceux qui n’avaient pas respecté sa loi [2]. Il y avait donc les événements dans le Monde et la volonté divine qui les provoque, pour récompenser ou punir les actes des humains. C’est pour apaiser la colère de Dieu que les coupables furent recherchés, suppliciés et condamnés, souvent à mort : voir Peste de Strasbourg en 1349. Mais, ce qui nous intéresse ici porte plus largement sur les réponses "comportementales", les conséquences sur les pratiques sociales, comme retour au droit chemin ou expiation.
Les plaies pouvaient être des maladies, des famines ou toute autre catastrophe "naturelle" et leur coïncidence provoquait vagues de panique et accès de religiosité, qui furent enregistrés dans les récits et les œuvres d’art contemporains. Le tableau ci-contre, peint par Poussin vers 1630, porte le titre de peste d’Asdod et s’inspire d’un épisode biblique, mais les détails du tableau relèveraient bien plus de l’expérience de la peste qui frappe alors le nord de l’Italie et se trouve aux portes de Rome. Difficile d’imaginer l’impact de telles expériences pour les humains de l’époque. Le Decameron de Boccace, écrit à partir de 1349, dépeint des événements consécutifs à l’arrivée de la peste noire à Florence, en 1348. Mais, le texte de Boccace est annonciateur de nouveaux mœurs, ceux de la Renaissance, plutôt que ceux du christianisme, d’où sa censure répétée par l’Eglise.
Finalement, pouvons nous définir une place pour les pandémies, parmi les forces qui propulsent les transitions ? Actuellement, les historiens les placent à côté des guerres, comme éléments moteurs, tout en admettant qu’elles font partie d’un ensemble de forces, qui d’ailleurs peuvent agir comme causes et conséquences à la fois. Ce qui va aussi nous intéresser dans la suite concerne ce qui les a rendu possibles, soit ce qui a amener un germe au contact de populations qui en seront les victimes.