Le bruit comme agression et les théories générales du stress

Les circuits sensoriels de l’oreille interne réagissent certes à l’intensité du son. Cependant, pour que le son soit perçu comme désagréable, de multiples traitements seront opérés au niveau de certaines aires du cerveau. Les réactions face au bruit ont donc été associées au système de stress dès les années 60, en assimilant le bruit à une agression. Plusieurs de ces réactions peuvent être ainsi comprises, du sursaut à la colère, voire au désespoir. De ce point de vue, les travaux de Ursin et Eriksen fournissent le cadre théorique le plus complet, construit à la fois sur les nombreuses données animales et les analogies avec l’homme. Ce modèle dénommé « Théorie de l’activation cognitive du stress » introduit de nombreuses notions intéressantes, même si, à l’origine, il n’a pas été directement appliqué au bruit.

La perception de l’agression suscite des réponses physiologiques, liées à l’état d’excitation/éveil, telles que les classiques réponses du système nerveux autonome (rythme cardiaque, pression arterielle), mais aussi déclenche des réactions du cerveau selon deux branches : les attentes vis-à-vis du stimulus (l’agression elle-même), distinctes des attentes vis-à-vis du résultat (la conséquence supposée ou perçue de l’agression). Les multiples boucles schématisées sur la première figure, montrent les possibles interactions qui, in fine, conduisent les individus à faire face ou s’adapter (ou à ne pas s’adapter) à l’agression. Logiquement, ces opérations font intervenir des processus cognitifs (apprentissages) qui relèvent des stratégies d’évitement ou toute autre comportement favorable à l’adaptation et peuvent conduire à des états différents : la maîtrise perçue ou à l’autre extrême le désespoir, le sentiment d’impuissance représentant une situation intermédiaire. La représentation des réponses sous forme de boucles, suggère déjà qu’il est difficile de définir un sens (dans le sens de la causalité), les opérations cognitives nécessaires à l’adaptation dépendant de l’état mental de l’individu. Classiquement, tant sur le plan neuropsychologique (déséquilibre de neuromédiateurs) que clinique (état pathologique et traitement), le sentiment d’impuissance est lié à la dépression, celui de désespoir à la psychose.

L’inscription dans ce modèle de stress éclaire de manière significative les processus de pathogenèse liés au bruit. Les réactions végétatives ont été confirmées dans plusieurs études au design expérimental sur les effets du bruit, particulièrement en période nocturne. En situation aiguë, ces réponses physiologiques sont autorésolutives, mais le modèle prévoit que c’est l’incapacité à faire face (mécanismes homéostatiques dépassés) qui se traduit par un stress chronique, générant à terme des états pathologiques, comme les troubles cardiovasculaires.
Notons donc quatre types de conséquences :

  • Des variables individuelles vont influencé la gêne (composante émotionnelle, attitudes, capacité d’adaptation) ;
  • Le caractère interactif des processus ne permet pas de définir de manière simple un sens de la causalité ;
  • La multiplicité des voies montre la limitation de l’usage de la régression logistique pour tester l’impact des facteurs potentiellement modificateurs dans les études épidémiologiques ;
  • L’excès de charge allostatique (autres sources de stress) agirait comme facteur de vulnérabilité.
    Ce dernier point est intéressant pour étudier l’impact de facteurs sociaux comme la défaveur, qui pourrait avoir un effet amplificateur.

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