Sensibilité au bruit et santé mentale

Les premières préoccupations quant aux possibles effets du bruit sur la santé mentale datent de l’étude sur les admissions en hôpital psychiatrique dans les zones bruyantes dans les années 70. Ces premières études sur le sujet ne sont pas parvenues à tirer de conclusion quant aux éventuels effets du bruit sur la santé mentale, en particulier pour des raisons méthodologiques. Les résultats de certaines d’entre elles ayant soulevé la question de savoir si certains groupes d’individus ne seraient pas plus vulnérables que les autres aux effets du bruit, le rôle éventuel de la sensibilité a été investigué. Les premières associations entre sensibilité et désordres psychiatriques (tels que phobie ou dépression) ont été établies au milieu des années 80 sans toutefois parvenir à répondre à la question de savoir si l’exposition au bruit peut prédire l’apparition de ce type de symptôme chez les personnes sensibles. Par la suite, d’autres études ont mis en évidence le rôle de la sensibilité en tant qu’indicateur de risque de désordre psychiatrique quelque soit le niveau de bruit, ainsi que le rôle de l’anxiété dans le lien entre sensibilité et santé mentale. Deux explications ont été proposées : les individus anxieux pourraient porter plus d’attention aux agressions d’origine environnementale ou bien ils auraient plus de difficultés que les autres à ignorer ces facteurs de stress.

Dans les années 90, les résultats des différentes études ont suggéré que l’exposition au bruit est bien liée à des symptômes mais que cette association ne concernerait que des pathologies relativement légères. Ceci a été confirmé dans une étude récente de Stansfeld pour qui les effets du bruit sur la santé mentale portent sur des effets plutôt du domaine de la "qualité de vie" (incluant la gêne). Effets peu sévères mais très répandus. Les données disponibles ne mettent pas en évidence d’effet plus graves.

Les études sur le rôle de la sensibilité dans le lien entre bruit et santé mentale ont établi que :

  1. l’exposition au bruit est liée à la gêne mais pas aux désordres psychiatriques
  2. la gêne est liée aux désordres psychiatriques sans être un facteur intermédiaire entre bruit et santé mentale - il semble plutôt que l’état de santé mentale s’ajoute aux effets du bruit pour déterminer la gêne
  3. la sensibilité est le principal facteur prédictif de la gêne -mais pas forcément pour tous les types de bruit-
  4. la sensibilité est liée aux désordres psychiatriques mais est indépendante du bruit.

Ceci a amené à poser la question de la sensibilité dans les termes suivants : 1) la sensibilité est-elle un facteur prédictif de risque de désordres psychiatriques ou bien est-t-elle une conséquence de désordres psychiatriques existants ? 2) la sensibilité est-elle une caractéristique personnelle stable ?
Stansfeld a tenté de répondre à ces questions lors de deux études sur le lien entre sensibilité et désordres psychiatriques. L’étude de deux groupes de femmes, respectivement très et très peu sensibles au bruit, pendant 6 ans lui a permis de conclure que la sensibilité est une caractéristique personnelle stable dans le temps mais n’a pas permis de tirer de conclusion quand au sens de causalité entre sensibilité et santé mentale. Lors d’une étude sur la sensibilité d’individus dépressifs, il a observé que les patients les plus sensibles n’étaient pas forcément les plus sévèrement dépressifs, que les personnes dépressives sont plus sensibles que la moyennes et que pour les patients dont l’état s’est amélioré au cours de l’étude (4 mois), la sensibilité avait baissé tout en restant élevée. Il en conclut que (seule) une partie de la sensibilité peut être considérée comme étant une conséquence de la dépression. Il suggère que la sensibilité est un trait stable, associé à certaines caractéristiques personnelles et à d’éventuels névroses ou tendances à l’affect négatif (en l’absence de morbidité psychique franche) qui pourrait être un indicateur de risque de future apparition de pathologies psychiatriques franches provoquées par d’autres paramètres. Il propose ainsi l’existence d’un lien dans les deux sens entre sensibilité et santé mentale.

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