Comment dépasser les limitations des courbes exposition-réponse ?

Sanford Fidell a été depuis le début un des principaux critiques de la démarche visant à fournir des valeurs générales, applicables à toutes les situations. Ces commentaires portent sur le principe même, mais surtout sur la validité des conclusions tirées de la courbe, compte tenu du caractère arbitraire du choix de la fonction ajustée et de sa forme qui ne se prête pas à la recherche de seuils particuliers (voir par exemple le nuage de point de la première figure). Un autre aspect important concerne l’absence de variables situationnelles, ce qui revient, par exemple, à confondre la gêne en milieu urbain dense et en contexte plus rural dans une seule et même relation. Nous pouvons reformuler les critiques de Fidell en une simple question. A-t-on le droit d’exploiter des courbes exposition-réponse à des fins réglementaires quand la variable prédictive (le niveau sonore) n’explique qu’une faible partie de la variance de la variable expliquée (le niveau de gêne) ? Fidell répond finalement par l’affirmative en proposant des aménagements de la méthode. Tout d’abord il a défini une démarche normative plutôt que descriptive, en prévoyant que la forme de la courbe devait dépendre de la vitesse d’augmentation de la gêne en fonction de l’intensité effective du bruit. Il a aussi proposé que l’influence des facteurs non-acoustiques ne pourraient induire qu’une translation de la courbe, sans modification de la forme de celle-ci.

Les développements successifs et l’actualisation des résultats en incluant des données empiriques supplémentaires a été publiée récemment (Fidell et al. 2011, texte associé à l’article). Outre l’utilisation d’une équation différente, une tentative d’améliorer l’assise théorique de la régression, il est proposé d’utiliser le niveau sonore effectif correspondant à 50% des personnes hautement gênées pour définir le niveau de tolérance de la communauté (NTC), ce qui permet de comparer une variable collective issue de chaque étude, exprimée en dBA (cf. seconde figure). L’utilisation conjointe du niveau sonore (DNL) et du NTC permet une meilleure prise en compte de la variance (troisième figure).

Des réponses ont été apportées aussi par les travaux de l’équipe du TNO au Pays-bas. Ces auteurs qui ont contribué aux choix de la réglementation européenne ont aussi testé des améliorations théoriques, en modélisant la variabilité sous forme d’une distribution normale. Ils ont démontré que les courbes obtenues par source de bruit se comparent favorablement aux fonctions exposition-réponse obtenues par régression dans les méta-analyses. Ils ont aussi argumenté en faveur de certains usages des courbes exposition-réponse pour la décision publique, notamment pour fixer les objectifs, les analyses coûts-bénéfices, les évaluations environnementales des impacts sanitaires (Miedema 2007). L’auteur précise que les courbes ne sont pas applicables aux situations locales, faces aux plaintes des riverains.

Evidemment, une des sources de la variabilité des résultats des enquêtes socio-acoustiques sur la gêne due au bruit provient de l’utilisation de questionnaires différents, tant sur les questions posées que sur les échelles d’appréciation. La transformation des résultats en échelles comparables a été abondamment commentée dans la littérature. Dans un effort de standardisation des outils préconisés pour mesurer la gêne de la population, un groupe d’expert internationaux (ICBEN), dont les travaux ont commencé en 1993, a étudié la valeur respective de la formulation des questions, des labels des réponses proposées, ainsi qu’une échelle numérique. Le groupe a proposé de limiter les enquêtes à deux questions générales, précisément formulées, avec un choix de réponses en cinq catégories et une échelle numérique de 0-10, pour exprimer le niveau de gêne. Les propositions pourraient être qualifier de compromis. Le choix du nombre de questions était guidé par des considérations pratiques et non pour capturer la complexité que représente la gêne et ses multiples déterminants potentiels. En somme, la comparabilité des résultats entre études a été privilégiée au détriment de la prise en compte de l’impact des facteurs non-acoustiques sur la gêne.

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