Nous avons déjà largement insisté sur le fait que le cancer est une maladie de nos gènes. Ceci suppose un lien intime avec les expositions à des agents aux propriétés génotoxiques. Une page a été consacrée à la génotoxicité dans le cours de toxicologie, qui tente d’expliquer les distinctions entre mutagénicité, génotoxicité et cancerogénicité, y compris les explications sur les tests expérimentaux pour leur mise en évidence.
La première conséquence attendue est que tout cancer présente des altérations génétiques mineures (mutations modifiant le fonctionnement ou l’expression d’un gène) ou majeures (remaniements chromosomiques ou aneuploïdie [1].
La seconde est que si la ou les altérations sont les signes distinctifs du cancer, elles ne nous renseigne pour ainsi dire jamais sur le facteur précis qui les a causé. Même dans les circonstances où quelques événements de la cancérogenèse ont été élucidés sur le plan pathologique et moléculaire, la causalité au niveau individuel n’est guère possible.
Prenons le cas de la fumée du tabac qui contient des centaines de substances cancérigènes. Au niveau des cellules bronchiques il est possible de détecter des adduits [2] d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) au niveau de l’ADN. Ceci démontre la probable association statistique, mais comment établir la cause pour une lésion donnée, chez un individu fumeur, exposé au radon, aux poussières et autres polluants atmosphériques ? Rajoutons aussi, que la capacité de réponse varie d’un individu à l’autre en fonction, par exemple, des allèles des multiples gènes qui codent pour les enzymes de la détoxification, qui sont autant de sources de variation de la susceptibilité individuelle.
La difficulté de faire le lien de cause à effet pour un facteur donné n’a certes pas empêché la société de prendre dans certains cas des mesures de protection générale (lutte contre le tabagisme, interdiction de l’amiante, campagne de sensibilisation pour réduire l’exposition au solei), bien qu’il soit intéressant de se demander si cet aspect n’a pas été généralement exploité par certains acteurs pour retarder la prise des décisions. Nous pouvons voir encore aujourd’hui l’illustration de cette même difficulté dans l’énorme écart qui existe entre le nombre de cancers attendus pour une exposition à des cancérigènes parfaitement étudiée (c’est le cas dans certains millieux professionnels) et le nombre de maladies professionnelles reconnues.