Nous avons vu que l’ analyse coût-avantage (ou « coûts-bénéfices »), à la suite des tenants de la théorie classique, constitue un des fondements de la théorie néoclassique ; c’est surtout, depuis des années, un outil d’aide à la décision privilégié par l’analyse économique dominante de l’environnement. Le fondement utilitariste de cette analyse lui permet de tenter une comparaison des gains et de pertes. Cette version de l’utilitarisme implique que chaque individu maximise sa propre utilité, ce qui conduit (sous certaines conditions restrictives) au maximum de bien-être pour la totalité du système économique, à distributions de revenu et de richesse données. L’objectif « éthique » consiste en dernière analyse maximiser l’utilité totale nette en ignorant la signification de la distribution résultant des gains et des pertes, c’est-à-dire sans se préoccuper de savoir qui supporte les coûts ou bénéfices des avantages. En fait, on le voit, toute considération d’équité est absent, l’environnement est considéré comme une collection de biens et services ayant une valeur « instrumentale » pour les hommes. Ceci signifie que les biens et services environnementaux n’ont de valeur que du fait de leur utilisation, directe ou indirecte, par l’homme. C’est pourquoi l’approche économique conventionnelle des ressources naturelles et de l’environnement est à la fois utilitariste et anthropocentrique.
Lorsqu’il s’agit de donner une valeur aux biens et services environnementaux libre, celle-ci doit être mesurée à l’aide des préférences individuelles. Les individus sont censés exprimer ces préférences en livrant les évaluations de leur consentement à payer (on utilisera à partir de cet instant l’abréviation CAP pour ce terme récurrent dans ce module) des biens, services environnementaux sur un marché effectif ou fictif. La valeur d’un bien ou service environnemental n’est alors fonction que de l’usage effectif et direct qui en est fait par l’individu.
Pour résumer, on pourrait souligner avec Underwood et King (1989), combien toute cette problématique néoclassique pèse lourdement sur la façon d’aborder les problèmes d’environnement, en focalisant l’attention sur le CAP des agents : « les utilitaristes ont entrepris la séparation de l’analyse économique de ses racines biophysiques. Dès que le concept abstrait d’utilité marginale est devenu la base de la valeur, il a été possible de dire que tout bien et service "vaut" quel que soit son prix. La valeur des choses existe parce que les gens croient qu’elles ont de la valeur ».
Dans cette même ligne de pensée, l’analyse néoclassique de l’environnement « suppose que la valeur d’un environnement dépend de ce que les gens sont disposés à payer, et capables de payer, pour le maintenir - conception globalement anthropocentrique des problèmes de pollution ». On a là de toute évidence le fondement d’une analyse coût-avantage reposant sur la mesure du CAP, quand elle est possible. Nous reviendrons sur cette notion de « valeur » dans la partie 6 de ce cours consacrée aux fondements de l’évaluation monétaire des dommages dus à la pollution.