Suite aux travaux de Marshall en la matière, on a pu écrire qu’une externalité désignait toute influence directe (positive ou négative) – c’est-à-dire ne faisant pas l’objet de transaction sur un marché – des actions (« consommation » ou « production » d’un bien) d’un agent économique (respectivement, donc, « consommateur » ou « firme ») sur les fonctions d’objectif d’autres agents : utilité (et, par conséquent, satisfaction) d’un consommateur, possibilités de production et, donc, profit d’une firme, et qui fera ainsi obstacle à l’allocation optimale des ressources entre les agents d’une économie. On n’a alors pas de signal en forme de prix qui pourrait réguler l’usage des ressources utilisées.
La pollution peut s’envisager comme la conjonction d’un effet ou processus physique, chimique, biologique, auditif, etc., produit par un déchet sur l’environnement, et d’une réaction humaine à cet effet physique de telle manière qu’il crée une nuisance, ou une gêne, pour l’homme. Cette dernière peut être considérée comme une perte de bien-être, que la théorie néoclassique assimile rapidement à une perte d’utilité ou de satisfaction.
Fondateur de la théorie moderne du bien-être, Pigou, dont l’ouvrage Economics of Welfare paraît en 1920, va attirer l’attention sur les cas où des externalités, comme la pollution par conséquent, existent dans un équilibre général. Il suggère qu’intérêt public et intérêts privés ne coïncident alors plus, lorsque par exemple le coût pour l’ensemble des individus pris ensemble et le coût pour un seul individu pris isolément ne sont pas égaux.
On peut considérer en effet que toute activité économique a un coût. L’ensemble des coûts imposés par une activité à la collectivité constitue le coût social. Une partie de ce coût social est compensée par les paiements effectués par l’agent à l’origine de l’activité : tels sont par exemple les coûts de matières premières ou ceux du facteur travail. Ce sont des coûts privés de l’agent.
Il peut néanmoins exister d’autre coûts imposés à d’autres agents sans qu’un paiement ne vienne opérer la moindre compensation : tels sont les coûts occasionnés par la pollution émise à l’occasion d’une activité de production industrielle. Une pollution de l’eau par exemple entraînera toute une série de coûts : perte du caractère esthétique d’un cours d’eau (perte d’aménités), impossibilité de pratiquer certains loisirs (baignade), utilisation de l’eau devenue impossible ou plus coûteuse (eau potable, eau destinée à des processus industriels), pertes dues à la mortalité des poissons, etc. Aucun de ces coûts n’est a priori compensé pécuniairement. Si une entreprise utilise gratuitement la fonction de réservoir de résidus de l’environnement naturel, elle va alors créer des dommages du fait de la pollution engendrée par son processus de production. C’est le cas, par exemple, si une pêcherie subit un déversement de produits toxiques. Ces dommages se traduiront par une augmentation de la mortalité des poissons, puis de l’effort de pêche, et, par conséquent, par une diminution du revenu des pêcheurs qui n’est pas compensé pécuniairement. Le pollueur responsable de cette externalité impose à la collectivité des coûts non compensés, appelés « coûts externes » ou « déséconomies externes », par opposition aux coûts internes qui font l’objet d’une compensation monétaire.
La divergence entre coûts sociaux et coûts privés reflète l’existence d’un effet externe négatif échappant à l’échange marchand. Cet effet externe est lié à l’utilisation d’une ressource non marchande, l’eau ou l’air par exemple, qui rend par exemple au producteur un service d’évacuation de ses résidus. Or, la gratuité de ce service indispensable est trompeuse, puisque la capacité d’assimilation des résidus par l’environnement naturel est limitée. Le phénomène de pollution, et les pertes de bien-être qui en résulteront, traduisent la pression excessive exercée par cette activité de production sur l’écosystème qu’utilisent les agents qui ne sont pas directement impliqués dans l’activité polluante. Ces ressources non marchandes, externes au marché, constituent bien des « défaillances du marché » à les prendre en compte. Les deux théorèmes de l’économie du bien-être ne peuvent donc plus être vérifiés, et le système de prix sera donc sous-optimal.