L’interprétation de la courbe environnementale de Kuznets dépend donc en définitive de l’ horizon temporel qui sert de support aux décisions économiques, considération qui est sans doute également présente dans le débat sur la décroissance.
La décroissance traduit en fait une idée forte sur la valeur. Au lieu d’exprimer les valeurs économiques en termes monétaires, par la croissance économique et l’évolution de la valeur ajoutée, les tenants de la décroissance expriment les activités économiques en termes physiques et réfléchissent sur le lien entre la production de biens et services et la consommation d’énergie [1]. Or, l’énergie se traduit également en travail qui, à son tour, est également un facteur de production. En exprimant toute activité humaine en termes énergétiques, le fonctionnement de l’économie peut donc être approché par des lois thermodynamiques.
Les représentants de la décroissance prônent un monde fini, les représentants de la croissance un monde infini. Les uns font valoir l’épuisement des ressources naturelles, notamment de l’énergie. Les autres misent sur le génie humain capable d’innover, même si notre savoir actuel ne nous fournit aucune solution pour le moment.
Les deux approches ne raisonnent pas dans la même dimension temporelle. D’un côté, l’horizon temporel se définit en centaines d’années, de l’autre, en milliers. Ce saut dans l’échelle du temps contribue à expliquer le dialogue de sourds entre les économistes vénérant la croissance et ceux qui réclament un mouvement vers la décroissance [2].
Les tenants du concept de la décroissance insistent certes sur le contenu du produit intérieur brut, mais négligent le fait que la croissance économique s’exprime également en termes de valeur ajoutée. Cette négligence s’explique par une approche en termes réels qui s’intéresse d’avantage à une expression physique de l’activité économique, et moins en termes monétaires. Les évaluations monétaires et non monétaires se trouvent donc forcement à l’origine de la dispute.