L’émergence du terme de développement durable a été accompagnée en science économique par différents courants de pensée. La référence simultanée à des modèles économiques qui se sont succédé dans le temps rappelle avec force que la formulation du concept du développement durable est un compromis entre différents points de vue, dont les trois plus courants sont :
l’économie du marché efficient : les problèmes environnementaux peuvent être résolus par le progrès technique dans un contexte de marchés concurrentiels. Tout problème lié au milieu naturel, comme l’épuisement des ressources naturelles et les déchets, modifie à terme les prix relatifs formés sur les marchés. Ce signal de prix incite les acteurs économiques à modifier leur comportement. Les producteurs adoptent de nouvelles technologies ; les consommateurs modifient leurs achats en fonction du changement des prix relatifs. La conséquence pour la politique économique est simple : face aux problèmes liés à la dégradation de l’environnement, il suffit de faire confiance au marché ;
l’économie de l’environnement : les problèmes environnementaux peuvent, certes, être résolus par le marché, mais il convient d’apporter des correctifs à son fonctionnement. Ce point de vue s’inscrit dans la même logique que la précédente, mais admet des défaillances du marché qu’il faut corriger. Le milieu naturel est considéré comme externe au fonctionnement des marchés. Afin de l’aborder dans l’optique économique, l’État doit intervenir d’une manière incitative. La conséquence pour la politique économique consiste en la promotion d’instruments conformes aux marchés, comme les taxes environnementales, les subventions et des droits de propriété dans de nouveaux domaines environnementaux comme la flore et la faune. C’est ce que nous verrons en priorité tout au long de notre raisonnement ;
l’économie écologique : l’environnement a rang de priorité et détermine les activités économiques. La science économique doit intégrer des contraintes naturelles dans son raisonnement. Le fonctionnement des marchés est considéré comme externe au milieu naturel et apparaît comme socialement construit. Au lieu de réduire la complexité économique à des modèles de causalité simple, il faut promouvoir la compréhension de cette complexité en abordant les problèmes environnementaux à plusieurs dimensions. La conséquence pour la politique économique est de miser sur une combinaison de plusieurs instruments afin de donner corps à une stratégie globale. La référence à des mesures statistiques de croissance économique doit être remplacée par des indicateurs de développement durable.
Ces différentes étapes montrent le potentiel de conflits inhérent au concept du développement durable. Ces conflits sont forcement portés sur la place publique et influencent le débat politique.