Pour comprendre ce changement profond d’approche, nous pouvons parler de processus sociogénétiques, qui se développent dans le temps long et propulsent, de manière contingente, les transitions, toujours comprises comme des transformations radicales du système et non des ajustements progressifs, construits et rationnels. Il en découle une conséquence, de portée générale, déjà évoquée en introduction : aucune transformation du système ne peut être comprise comme résultat d’une volonté. Dit autrement, on ne peut élever, au statut de cause d’une évolution sociale, la décision prise par un personnage ou un groupe de personnes, à un moment donné. Certes, les humains agissent, dans un sens ou un autre, mais c’est le croisement de multiples fils et des contingences qui produisent la nouveauté, dans des contextes singuliers (cognitif, social, politique), l’apparition de la nouveauté ne pouvant être attribuée à une action particulière. Encore faut-il le démontrer.
Parler de processus sociogénétiques ou développementaux relève d’une métaphore, basée sur l’existence de mécanismes qui soutiennent ces processus, par analogie au cycle de naissance, développement puis déclin d’un organisme ou d’une population. Bien sûr, sur le plan culturel, on constate une grande diversité, plus étendue encore aujourd’hui, avec la reconnaissance de l’existence de nombreuses civilisations (en Afrique, en Asie ou en Amérique), par delà la croyance en la supériorité de l’Occident. Ceci étant dit, c’est bien à l’histoire de l’Occident que j’emprunte des exemples, car la littérature historique et sociohistorique, abondante, est propice à la découverte des mécanismes qui l’ont rendu possible.
En quoi le fait de partir de l’antiquité nous permet de mieux comprendre le présent et les défis qui se posent à nous ? Je ne souhaite pas répondre directement à cette question. Plutôt, je m’attacherai à développer certains fils, exposer des illustrations, qui peuvent fournir des arguments, en faveur ou non de l’approche sociogénétique. Nous aurons une session de TD, dédiée aux enseignements que le passé nous offre, pour aborder de nouvelles transitions, dont certains aspects sont à l’œuvre. Mais, encore une fois, c’est le mode de raisonnement que je vise et non des connaissances encyclopédiques.
De ce fait, la lecture que vous devriez faire de la suite ne doit pas en rester à la surface des choses. Il faut, sans cesse, questionner les conceptions dominantes, en particulier la rationalité de son déroulement. Au fur et à mesure de la découverte d’éléments mécanistiques, il faut chercher les analogies avec le présent, pour identifier les spécificités de la période actuelle. Pour ce faire, il nous faut développer certains concepts qui nous permettrons de « mesurer » l’évolution et pouvoir procéder à des comparaisons. Je vous invite aussi à réfléchir aux enseignements, en matière d’adaptation, comme un processus permanent, impliquant des réponses culturelles à un monde en perpétuel changement, auquel les activités humaines contribuent, avant même que le changement climatique n’émerge comme « nouveau » risque.